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La qualification juridique du contrat de gérance libre

La qualification juridique du contrat de gérance libre

La qualification juridique d’un contrat de gérance libre est possible même en l’absence des conditions et formalités de publicité prévues par l’article 153 du C. com. dans la mesure où ce contrat est un contrat consensuel qui ne nécessite aucune formalité pour sa validité.

Cass. Ch. com. n˚ 116/2 du 1 mars 2018, dossier commercial n˚ 325/3/2/2016 

 

 

 

Le caractère impératif des dispositions du chapitre V du Titre II du Livre II du code de commerce, relatives à la gérance libre de fonds de commerce, se voit source de nombreux problèmes, au moins jurisprudentiels, quant à ses effets juridiques. La publicité du contrat de gérance libre en rapport avec sa qualification juridique et avec le degré de la liberté de sa preuve en est éventuellement l’un d’eux. L’interprétation des articles 153 et 158 du code de commerce a donné lieu à une jurisprudence complexe et parfois confuse, comme en témoigne un arrêt rendu le 1 mars 2018 par la chambre commerciale de la Cour de cassation.

En l’espèce, un propriétaire d’un fonds de commerce l’a donné en gérance libre à une personne physique pour une durée d’une année renouvelable par leur accord. Voulant mettre fin à leurs relations contractuelles, le loueur dudit fonds a adressé à la gérante libre une lettre de mise en demeure dont elle a refusé la réception.

Le contrat de gérance libre arrivé à son terme, la gérante libre a refusé de restituer le fonds à son propriétaire. Ce dernier l’a assignée alors, devant le tribunal du commerce en expulsion pour l’occupation sans droit ni titre dudit fonds. Apres que la défenderesse ait conclu qu’il ne s’agit pas d’un contrat de gérance libre mais d’un contrat de société renouvelé pour une durée indéterminée et que, par voie de conséquence, la mise en demeure reste sans objet, le tribunal de commerce a tranché pour la résiliation du contrat de société liant les parties et pour l’expulsion de la défenderesse du fonds. Le jugement du tribunal du commerce a été interjeté par la gérante et a fait également l’objet d’un appel incident formé par le loueur.

La Cour d’appel de Casablanca, par un arrêt du 13 juillet 2015, a rejeté la demande de la gérante tout en infirmant le jugement en ce qu’il a admis la qualification du contrat de société. Ainsi, elle a retenu, après avoir apprécié les pièces du dossier et les termes du contrat, la qualification de gérance libre des relations contractuelles entre les parties.

La gérante a alors formé un pourvoi en cassation en contestant le rejet de sa demande. Elle reproche à l’arrêt le défaut de base légale, la violation des dispositions de l’article 461 du D.O.C et des dispositions de l’article 3 du CPC ainsi que le défaut de motifs. Elle soutient que les juges du fond, en retenant la qualification du contrat de gérance libre sans pour autant rechercher si ce dernier répond aux conditions et formalités juridiques prévues dans les articles 153 à 158 du code de commerce, ont méconnu les dispositions de ces articles et encourent, par voie de conséquence, la censure de la Cour de cassation.

La Cour de cassation se trouve alors en face de la question de droit suivante : la qualification de contrat de gérance libre peut-elle être admise en absence des conditions et formalités juridiques prévues par les articles 153 à 158 du code de commerce ?

La Haute juridiction du royaume a répondu positivement à cette question et rejette par conséquent le pourvoi. Dans un attendu d’espèce, elle a considéré que les juges du fond peuvent qualifier un contrat de gérance libre à partir des pièces produites devant eux et d’après les termes de contrat et que, même en l’absence des formalités juridiques prévues dans les articles 153 à 158 du code de commerce, ce contrat produit tous ses effets juridiques entre les parties.

Une telle solution de la Cour de cassation laisse dubitatif quant à ses précédents jurisprudentiels en la matière. Sur ce, il faut donc mettre en évidence ce lien entre les formalités juridiques du contrat de gérance libre et sa qualification juridique(I), qui a poussé la chambre commerciale à adopter un tel raisonnement constituant une vision jurisprudentielle innovante (II)[1].

  1. Le lien entre la publication du contrat de gérance libre et sa qualification juridique

L’analyse minutieuse et attentive de la décision de la chambre commerciale de la Cour de cassation nous mène à avancer qu’une solution comme celle y apportée ne peut dépendre que d’un raisonnement ayant trait à favoriser la qualification du contrat de gérance libre fondée sur la liberté de la preuve (A) dans la lumière de laquelle il est nécessaire, de mesurer l’étendue du contrôle de la Cour de cassation (B)

  1. La publication et la preuve du contrat de gérance libre

Pour mieux cerner ce lien entre la qualification de contrat de gérance libre avec sa publicité et la solution adoptée par la Cour de cassation concernant la consécration de la liberté de la preuve en la matière, nous allons mettre en évidence, dans un premier lieu, la nature juridique des formalités juridiques exigées par le législateur dans l’article 153 et suivants du code de commerce, avant de traiter, dans un deuxième lieu, la liberté de la preuve en matière de gérance libre.

  1. Les formalités juridiques du contrat de gérance libre

L’article 153 du code de commerce dispose : «le gérant libre à la qualité de commerçant et il est soumis à toutes les obligations qui en découlent.

Tout contrat de gérance libre est publié dans la quinzaine de sa date, sous forme d’extrait au Bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales.

Le bailleur est tenu, soit de se faire radier du registre de commerce, soit de faire modifier son inscription personnelle avec la mention expresse de la mise en gérance libre.

La fin de la gérance libre donne lieu aux mêmes mesures de publicité».

En effet, une lecture à la hâte des dispositions là-haut mentionnées porte à croire qu’elles sont faciles à comprendre et à appliquer. Mais, il n’en est pas le cas. L’observation des dispositions des articles de 152 à 158 du code de commerce porte à une confusion[2] si une telle observation se fait à la lumière de la décision objet du présent commentaire. En effet, un contrat de gérance libre portant sur un fonds de commerce pour être qualifié de tel, il doit, au regard de ces dispositions, répondre à toutes les conditions et formalités juridiques y sont prévues. Cela dit, si l’on s’y réfère, ces dispositions renforcent l’idée que le contrat de gérance libre doive être soumis à une publicité dont l’absence entraîne sa nullité.

En effet, le deuxième alinéa de l’article 153 du code de commerce marocain dispose : «tout contrat de gérance libre est publié dans la quinzaine de sa date, sous forme d’extrait au Bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales». La formulation de cet alinéa laisse entendre que le législateur marocain exige impérativement des parties, à un contrat de gérance libre[3], de le publier sous forme d’un extrait dans le Bulletin officier et dans un journal d’annonces légales encore qu’il n’ait pas utilisé le verbe ‘’devoir’’[4]et qu’il n’ait pas précisé le modus operandi de cette publication[5].Cet alinéa semble donc faire partie des dispositions juridiques impératives prévues dans ce chapitre du code de commerce[6].

En outre, l’article 158 du même code renforce cette hypothèse[7] et prévoit la nullité, inopposable aux tiers, du contrat de gérance libre qui n’aurait pas respecté ces formalités juridiques de publicité contrairement au raisonnement juridique adopté par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans la décision en cause.

En effet, l’article 158 précité dispose : «tout contrat de gérance libre consenti par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul. Toutefois, les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l’égard des tiers». Donc, l’examinateur de cet article le trouve clair et ne nécessitant aucune interprétation dans la mesure où il réserve la nullité à tout contrat de gérance libre ne respectant pas les conditions juridiques énumérées dans les articles allant de 152 à 157 du même code. Autrement dit, un contrat de gérance libre dont un extrait n’est pas publié au Bulletin officiel ni dans un journal d’annonce légales devrait être nul. Cette nullité demeure inopposable aux tiers, c’est-à-dire aux créanciers du propriétaire ou l’exploitant du fonds de commerce et ceux du gérant libre. Les parties peuvent l’invoquer entre eux-mêmes. D’ailleurs, certains auteurs[8] avancent qu’un contrat de gérance libre demeure inopposable aux tiers tant qu’il n’est pas publié selon les conditions juridiques prévues par l’article 153 du code de commerce. Or, la réalité est que la non-publicité de ce contrat n’empêche pas qu’il soit opposable aux tiers[9].

L’arrêt objet du présent commentaire aurait dû prendre en considération ce caractère impératif des conditions juridiques prévues par l’article 153 susvisé puisque l’une des parties a invoqué l’absence des conditions précitées ce qui aurait entraîné, ipso facto, la nullité du contrat de gérance les liant, au lieu d’admettre que, même en l’absence de formalités juridiques, le contrat de gérance libre peut être qualifié et produire tous ses effets juridiques entre les parties.

Ce cas de nullité du contrat de gérance libre a fait l’objet d’un précédent jurisprudentiel de la Cour de cassation. En effet, dans un arrêt du 2008 rendu par une chambre mixte de la Cour de cassation[10], la haute juridiction du royaume s’est prononcée à la fois pour le caractère consensuel du contrat de gérance libre et pour sa nullité entre les parties faute de son respect des formalités juridiques prévues dans les articles 153 et 158 précités. Les juges de la Cour de cassation soutenaient que, nonobstant le fait que le contrat de gérance libre soit un contrat consensuel dont la validité n’exige pas l’écrit, le fait qu’il ne soit pas publié sous forme d’extrait dans le Bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales  et qu’il ne soit pas inscrit au registre de commerce, comme le prévoit l’article 153 du code de commerce, le rend nul entre les parties.

En outre, selon un autre arrêt[11], plus récent que celui faisant l’objet du présent commentaire, rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en 2018, lorsqu’un contrat de gérance libre est nul et qu’il a les conditions de validité d’une autre obligation, les juges du fond doivent appliquer les règles régissant cette nouvelle obligation[12]. Et la cause de ladite nullité, ici mentionnée, n’est que l’absence de formalités juridiques prévues dans l’article 153 précité.

Dans la même lignée d’idées, un auteur a avancé que, même si le législateur n’a pas prévu, expressément, un écrit pour la validité du contrat de gérance libre dans le code de commerce, l’on peut le déduire implicitement des dispositions de l’article 153 dudit code concernant la condition de la publicité dès lors qu’une telle publicité ne peut être réalisée qu’après l’existence d’un écrit[13].

Le Doyen Mohammed Drissi ALAMI MACHICHI a considéré que les conditions et formalités juridiques prévues dans les 153,155 et 158 susvisés sont impératives. Ainsi, «le silence sur les conditions de forme ne signifie point leur absence. En effet, l’écrit et la publicité sont soit directement désignés soit indirectement exigés par les articles 155 (l’écrit) et l’article 153 (la publicité). L’ensemble de ses conditions se caractérise par une force impérative de premier plan explicitement prévue par l’article 158. Ce texte édicte la sanction de la nullité en cas de leur inobservation tout en ménageant les droits des tiers. Il décide que tout contrat de gérance libre consenti par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues dans les articles précédents est nul. Toutefois, les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l’égard des tiers. La sanction de nullité ne se limite pas à anéantir l’accord entre les parties, elle se dédouble d’une véritable responsabilité à l’égard des tiers. Ceux-ci restent protégés contre ses effets car les parties demeurent obligées à leur égard. Le texte leur interdit d’invoquer la nullité pour se libérer des effets de leur accord sur les tiers qui sont fondés à faire confiance à l’apparence»[14]

Donc, une certaine doctrine[15] soutient alors la nullité du contrat de gérance libre qui ne respecte pas ces conditions[16]. Une telle nullité empêche que ledit contrat produise ses effets entre ses parties[17] et ne peut être qualifié, ipso facto, de gérance libre entre les parties.

Cela faisant, la solution donnée par la Cour de cassation à la question qui lui a été posée semble donc basée sur la liberté de la preuve appuyée par le caractère consensuel du contrat de gérance libre.

  1. La preuve de contrat de gérance libre

Il s’avère, d’emblée, que si l’on prend en considération l’idée suivant laquelle tout contrat de gérance libre ne respectant pas les formalités de publicité prévues par l’article 153 du code de commerce est nul, l’on peut en déduire, par voie de conséquence, qu’il est difficile aux parties de prouver son existence entre elles. Car, selon les principes généraux de la nullité des obligations[18], un contrat de gérance libre nul ne produit aucun effet entre ses parties[19].

Or, si la publication du contrat de gérance libre n’a pas une grande importance en matière de la preuve entre les parties, l’on mettrait en cause les dispositions des articles 153 et 158 déjà mentionnés et adhérait par conséquent à la solution adoptée par le présent arrêt.

Etant donné que la solution susvisée énonce clairement que le contrat de gérance libre peut être qualifié comme tel même en l’absence d’une telle publicité. Autrement dit, il peut être prouvé par d’autres moyens dès lors qu’il n’encoure pas la sanction de la nullité.

Force donc est de reconnaitre qu’il y ait une confusion et une difficulté de distinguer entre le caractère consensuel reconnu et incontestable du contrat de gérance libre et ses formalités et conditions juridiques dont l’irrespect entraînerait sa nullité entre les parties comme le prévoient expressément les articles 153 et 158 susvisés. Une autre confusion se pose : un contrat de gérance libre non publié encourt-il une nullité inopposable aux tiers ou bien ceux-ci ne peuvent-ils pas invoquer ce contrat, prétendu nul, à l’égard des parties ?

Ceci dit, le fait d’admettre que la non-publicité de ce contrat conformément aux dispositions des articles 153 et 158 susvisés n’entraîne pas sa nullité, c’est dire, par conséquent, qu’il est soumis à la liberté de la preuve. Ce qui aurait renforcé la position adoptée par la Cour de cassation en rendant sa solution, contenue dans l’arrêt en question, logique. En effet, la chambre commerciale fait sien ce raisonnement juridique concernant la liberté de la preuve en matière du contrat de gérance libre en épousant la décision des juges du fond qui ont fait preuve de leur pouvoir discrétionnaire en la matière.

A dire vrai, abstraction faite des difficultés juridiques resultant de la lecture des articles 153 et 158 susvisés, le législateur marocain n’a pas prévu expressément la condition de l’écrit pour la validité du contrat de gérance libre portant sur un fonds de commerce comme il l’a fait concernant sa vente[20]. Il s’ensuit alors que sa preuve demeure soumise au droit commun des contrats[21]. Autrement dit, la reconnaissance de la liberté de la preuve.

Donc, la non-précision de cette condition signifie que la conclusion et la preuve de ce contrat restent soumises à la volonté des contractants.

Du tout ce qui précède, nous pouvons nous demander comment expliquer le raisonnement adopté par les juges de la Cour de cassation pour rejeter le pourvoi et approuver la solution donnée au litige par les juges du fond.

 

  1. Le contrôle de la qualification du contrat de gérance libre par la Cour de cassation

A la question du droit qui lui a été posée, la Cour de cassation a apporté une solution. Cette solution réitère le raisonnement des juges du fonds qui se sont basés sur un certain nombre d’éléments pour qualifier le contrat en place de gérance libre. Cette qualification montre les contours du pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation des faits.

  1. Les éléments servant de qualification de contrat de gérance libre

«La qualification[22] suppose une double démarche. D’une part, déterminer de manière abstraite les éléments juridiques caractéristiques d’un type de contrat ; ainsi ce qui caractérise…le dépôt est l’obligation de garde…la vente, l’existence d’un prix et d’un transfert de propriété, etc. d’autre part, relever concrètement dans le contrat conclu par les parties les circonstances de fait qui qui correspondent à ces éléments de droit. La Cour de cassation exerce son contrôle»[23].S’appuyant sur cet extrait, on peut avancer que les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, pour dire que les relations contractuelles litigieuse entre les parties s’apparentent à un contrat de gérance libre et non pas, comme le soutient la demanderesse au pourvoi, un contrat de société, ont suivi la même démarche.

Tout d’abord, les juges du fond se sont appuyés sur les dispositions de l’article 152 du code de commerce qui dispose : «nonobstant toute clause contraire, tout contrat par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls est régi par les dispositions ci-après». Il faut donc, pour qu’un contrat de gérance libre soit caractérisé, l’existence d’un fonds de commerce et que celui-ci soit donné en location à un gérant et que ce dernier l’exploite à ses risques et périls[24].

D’après la décision en cause, les juges du fond ont caractérisé ses éléments juridiques à savoir l’existence d’un fonds de commerce appartenant au défendeur au pourvoi et qu’il a donné en location à la demanderesse au pourvoi pour qu’elle l’exploite.

Ensuite, les juges du fond ont appliqué ces éléments juridiques aux faits du cas d’espèce qui leur est soumis. En fait, ils ont établi que le défendeur au pourvoi a donné son fonds de commerce en location gérance à la demanderesse au pourvoi pour qu’elle l’exploite dans la vente du prêt-à-porter en contrepartie d’une redevance mensuelle pour une durée d’une année renouvelable par leur accord.

De ces constatations, les juges du fond ont tiré des conséquences très importantes. Ils en ont déduit que la volonté des parties est claire et qu’elle favorise vraisemblablement l’établissement du contrat de gérance libre.

Sur ce, la caractérisation du contrat de gérance libre d’après les pièces du dossier produites devant les juges du fond et d’après les termes dudit contrat renforce fortement l’hypothèse de la liberté de la preuve en matière commerciale.

Dans le domaine du droit commercial, et partant de l’idée que le gérant libre d’un fonds de commerce soit un commerçant de plein droit et que le loueur[25] le soit également dans la plupart des cas[26], la preuve est principalement libre.

En effet, l’article 334 du code de commerce dispose : «en matière commerciale la preuve est libre. Toutefois, elle doit être rapportée par écrit quand la loi ou la convention l’exigent». Cela dit, les parties à un contrat de gérance libre peuvent le prouver par tous les moyens.

C’est ce qui a fait dire à un auteur[27] que, étant donné que le tribunal a autorisé l’une des parties à procéder à une enquête, il reconnait par voie de conséquence que les parties peuvent établir l’existence du contrat de gérance libre par tous les moyens et favorise alors la liberté de la preuve dans ce domaine.

Or, une question se pose là-dessus. Il s’agit de savoir la vraie étendue du pouvoir de qualification des juges du fond surtout si l’on sait qu’une telle qualification est soumise au contrôle de la Cour de cassation[28] et que l’article 158 susvisé fait des dispositions juridiques applicables à ce contrat des règles d’ordre public.

  1. L’étendue du pouvoir de qualification des juges du fond

La lecture attentive de la solution apportée par la Cour de cassation à la question de droit qui lui a été posée montre que ladite solution semble avoir donné lieu à un contrôle léger[29] des juges du fond. C’est ce qui résulte, au moins de sa formulation qu’on peut traduire[30] comme suit :

« Mais attendu que la Cour d’appel qui a rendu l’arrêt infirmatif attaqué, a constaté d’après les pièces du dossier produites devant elle et d’après le contrat, conclu entre les parties en vertu duquel le défendeur au pourvoi a donné son fonds de commerce à la demanderesse au pourvoi pour l’exploiter dans la vente du prêt-à-porter en contrepartie d’une somme de 6000 Dh mensuellement après s’être mis d’accord sur la durée d’une année renouvelable par leur accord, et en a déduit exactement  que leur volonté se dirige vers la conclusion du contrat de gérance libre et non pas un contrat de société et que le fait de ne pas chercher si les parties ont respecté les formalités juridiques prévues dans les article 153 à 158 susvisés n’a pas d’influence sur sa décision dans la mesure où le non accomplissement des formalités n’empêche pas  le contrat de gérance libre de produire tous ses effets juridiques entre les parties». La Cour de cassation approuve donc les juges du fond qui ont tiré des conséquences juridiques de leurs constations d’après les pièces produites et d’après le contrat.

Par ailleurs, dans un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date de 2017[31], celle-ci n’a pas pris en considération l’exception de nullité de contrat de gérance libre tirée du non-respect des dispositions des articles 153 et 158 du code de commerce.

En l’espèce, les demandeurs au pourvoi reprochent à l’arrêt attaqué, dans la deuxième branche de leur moyen, le défaut de base légale au motif qu’il a répondu à leur exception de nullité tirée de non-respect par le contrat de gérance libre des conditions et formalités juridiques prévues dans les articles 153 et 158 précités en des termes vagues lorsqu’il a retenu que la non-publicité du contrat de gérance libre entraîne sa nullité entre les parties et que cette nullité n’est pas opposable aux tiers sans pour autant déclarer la nullité dudit contrat.

Les demandeurs au pourvoi soutenaient la nullité du contrat de gérance libre étant donné qu’il n’est pas publié et qu’il ne respecte pas toutes les formalités énumérées par les articles précités.

La Cour de cassation leur a répondu que la Cour d’appel qui a relevé que le contrat de gérance libre est un contrat consensuel qui ne nécessite aucune forme pour sa validité et que sa publicité n’est qu’un moyen permettant, à la fois, la protection des créanciers du propriétaire du fonds de commerce et de l’invoquer à l’égard des tiers et non pas une condition de sa validité aurait justifié légalement sa décision.

Dans un autre arrêt[32], la Cour de cassation a rejeté le pourvoi dont le moyen unique reproche à l’arrêt attaqué la violation des articles 153, 154 et 158 susvisés qu’il a invoqué pour la nullité de contrat de gérance libre devant les juges du fond mais sans être retenus. Autrement dit, les juges du fond ont écarté son exception de nullité du contrat de gérance libre fondée sur lesdits articles 153, 154 et 158. La Cour de cassation a approuvé les juges du fond dans leur raisonnement juridique vu le caractère non sérieux de telle exception basée sur la non-publicité dudit contrat.

Il s’ensuit que, du moment où la nullité du contrat de gérance libre ne serait pas retenue même s’il ne respectait pas les conditions juridiques prévues dans les articles 153 à 158 précités, sa qualification juridique serait alors autorisée aux juges du fond encore qu’il ne soit pas publié dans les conditions déjà mentionnées.

Force donc est de constater que la Cour de cassation, en rejetant le pourvoi objet de l’arrêt en commentaire, a exercé un contrôle léger sur la motivation et le pouvoir de qualification du contrat de gérance libre des juges du fond.

Pour revenir un peu vers la source de cette problématique de qualification, le contrat de gérance libre, pour être qualifié comme tel, doit être conclu valablement, c’est-à-dire conformément aux dispositions juridiques qui lui sont applicables. Il s’agit des dispositions juridiques prévues dans les articles 152 à 158 du code de commerce, déclarées d’ordre public. La lecture classique, voire littérale, de ces dispositions, surtout celles des articles 153 et 158, laisse entendre que tout contrat de gérance libre ne les respectant pas est nul entre les parties sans que cette nullité soit opposable aux tiers. Ce qui veut dire que ce contrat nul ne pourra pas faire l’objet de qualification dès lors qu’il est nul et n’a pas d’existence juridique entre les parties.

Or, la solution donnée alors à la question de droit posée reflète une nouvelle vision jurisprudentielle voire, une innovation jurisprudentielle de la Cour de cassation consacrant donc une nouvelle lecture des articles 153 à 158 du code de commerce.

 

  1. La nouvelle vision jurisprudentielle en matière de qualification du contrat de gérance libre

La Cour de cassation, à partir de sa solution, laquelle solution a écarté implicitement la nullité du contrat de gérance libre ne respectant les formalités juridiques prévues en la matière et, partant, reconnaît sa qualification, aurait apporté une nouvelle vision jurisprudentielle dans ce domaine. Celle-ci, se manifeste dans la nouvelle lecture faite des articles 153 à 158 du code de commerce (A), qui ne manque pas d’avoir des conséquences juridiques futures sur ledit contrat (B).

  1. La nouvelle lecture des articles 153 à 158 du code de commerce

L’on peut déduire éventuellement de la solution de la problématique de droit contenue dans l’arrêt objet de ce commentaire, c’est que la qualification du contrat de gérance libre est possible en l’absence de sa publication. Sur ce, les dispositions de l’article 153 du code de commerce ne sont pas d’ordre public (a) et doivent être comprises autrement (b).

 

 

 

  1. L’article 153 du code de commerce et l’ordre public

La confusion créée chez la doctrine concernant le caractère d’ordre public des dispositions du chapitre V du titre II du Livre II du code de commerce est d’une grande ampleur.

Partant d’une lecture stricte des dispositions juridiques des articles 153 et 158 susvisés et à en croire l’avis d’une partie importante de la doctrine marocaine[33], surtout la position du Doyen Mohammed Drissi ALAMI MACHICHI qui a considéré que les conditions et formalités juridiques prévues dans les 153,155 et 158 sont impératives[34], on peut se poser, en effet, la question de la valeur juridique de la solution de la Cour de cassation. On peut se demander si une telle décision est conforme ou non au droit positif en place. Toutes sortes de questions sont admises toujours est-il que la position de la haute juridiction du royaume ne se prononce pas qu’en faveur d’une bonne application de droit et que cette application soit au service de l’évolution juridique et de l’économie nationale.

De plus, les dispositions de l’article 158 du code de commerce confirment, semble-t-il, l’ordre public des règles juridiques applicables au contrat de gérance libre. L’attitude du législateur était sévère, la sanction encourue de toute tentative d’écarter ou de limiter les dispositions législatives concernant la gérance libre est la nullité[35].

Tout ce que l’on peut dire, c’est que cette confusion à propos des articles 153 et 158 a trouvé son écho, éventuellement évolutive, dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Cette dernière, exception faite de l’arrêt[36] susvisé rendu par une chambre mixte de ladite Cour de cassation dans lequel la haute juridiction considérait que le non-respect par un contrat de gérance libre des formalités juridiques énoncées dans l’article 153 du code de commerce le rend nul et sans effets entre les parties mais dont la nullité reste inopposable aux tiers, s’allie à l’hypothèse selon laquelle la non-publicité d’un contrat de gérance n’entraine pas sa nullité entre les parties. Il en résulte, par voie de conséquence, que les dispositions de l’article 153 précité ne sont pas d’ordre public.

A n’en pas douter, dès lors que la Cour de cassation a approuvé, dans la décision objet de la présente étude, les juges du fond lorsqu’ils ont pu qualifier un contrat de gérance libre bien qu’il n’ait pas satisfait aux conditions juridiques et formalités du publicité contenues dans l’article 153 du code de commerce, le caractère non impératif de cet article est relevé.

Force donc est d’insister sur le fait que l’absence de publicité du contrat n’entraîne pas la nullité de la gérance libre[37].

En effet, l’article 153 du code de commerce n’attache pas la sanction de la nullité à l’égard des parties au contrat de gérance[38] libre qu’aux infractions commises contre les prescriptions impératives[39]de la loi concernant la conclusion même de ce contrat, et non pas à celles relatives à la publicité devant être donnée ensuite au contrat, qui n’ont pour objet que l’information des tiers[40].

Cela étant dit, la solution de la chambre commerciale de la Cour de cassation reconnaît expressément la possibilité de qualification d’un contrat de gérance libre dès lors que ce contrat remplit tous les éléments substantiels prévus par le droit commun des contrats[41]et conforme aux caractéristiques juridiques prévues dans l’article 152 du code de commerce, sans rechercher néanmoins s’il est publié dans la forme qu’exige l’article 153 du même code.

D’ailleurs, le code de commerce, même s’il est vrai qu’il réserve une grande importance à la publication de la gérance libre, il n’a pas déterminé pour autant le contenu de cette publication, d’une manière précise, pour confirmer et appuyer implicitement le caractère d’ordre public de cette publication.

Enfin, il résulte clairement de la solution de la chambre commerciale de la Cour de cassation que la qualification de contrat de gérance libre est possible même dans l’absence des conditions juridiques prévues dans l’article 153 du code de commerce. Ce qui veut dire, autrement, que le caractère impératif, et de cela, d’ordre public de cet article est à écarter.

Donc, il faut trouver comment la Cour de cassation interprète-t-elle les dispositions dudit article à la lumière de l’article 158 qui le renforce.

 

  1. La finalité juridique des dispositions de l’article 153 du code de commerce

A vrai dire, la chambre commerciale de la Cour de cassation a posé les fondations d’une nouvelle lecture des dispositions de l’article 153 du code de commerce. En effet, il appert qu’elle fait sien le raisonnement juridique suivant lequel, les conditions et formalités juridiques prévues dans l’article 153 précité sont destinées à la protection des tiers, pour permettre aux parties de l’invoquer l’égard de ces tiers[42] et, dès lors que ce n’est pas un tiers qui l’invoque, leur absence n’entraîne pas la nullité du contrat. Donc, la qualification dudit contrat demeure valable.

Ce raisonnement juridique se base éventuellement sur la finalité et l’objectif attendus de telles dispositions et non pas sur leur lecture stricte et rattachée à l’article 158 du même code qui sanctionne leur défaut par la nullité.

L’objectif essentiel des formalités de publicité du contrat de gérance libre est l’information[43]des tiers[44]. En effet, le législateur a fait en sorte que les créanciers du propriétaire ou de l’exploitant du fonds de commerce soient au courant de la situation dudit fonds. Car, une fois ce dernier mis en gérance libre, ses créanciers peuvent réclamer l’exigibilité de leurs dettes[45]. Dans les trois mois à dater de ladite publication du contrat, les créanciers du propriétaire ou de l’exploitant, selon les cas, peuvent introduire devant le tribunal de commerce une demande pour rendre immédiatement exigibles les dettes contractées par le loueur pour l’exploitation du fonds[46]. En effet, le troisième alinéa de l’article 152 précité édicte que la demande tendant à déclarer l’exigibilité desdites créances doit à peine de forclusion, être introduite dans le délai de trois mois à compter de la date prévue au deuxième alinéa de l’article 153 dudit code.

Cela faisant, pour approuver les juges du fond qui ont caractérisé le contrat de gérance libre, lequel contrat aurait dû être déclaré nul dans le cas d’espèce faute des conditions et formalités juridiques prévues par la législation en vigueur, dont l’absence aurait normalement entraîné sa nullité, la chambre commerciale de la Cour de cassation a adopté un raisonnement juridiques innovant. Ce raisonnement soutient l’hypothèse d’après laquelle l’absence de publicité de contrat de gérance libre n’empêche sa qualification juridique, c’est-à-dire que ce contrat produit tous ses effets juridiques entre les parties. Il s’ensuit que la publicité dudit contrat vise la protection des tiers plutôt que sa validité entre les parties. Dans un arrêt[47], antérieur à la décision présente, la même chambre de la Cour de cassation a rejeté un pourvoi qui reproche à l’arrêt attaqué[48]d’avoir écarté une exception de nullité du contrat de gérance libre tirée de l’absence des formalités juridiques prévues dans les articles 153 et 158 du code de commerce et reproche aux juges du fond d’avoir caractérisé ce contrat sans prendre en considération sa nullité faute de l’accomplissement desdites conditions. La Cour de cassation a approuvé les juges du fond qui ont procédé à la caractérisation d’un contrat de gérance libre en s’appuyant sur les termes dudit contrat en écartant l’exception de nullité invoquée puisqu’elle n’a aucun effet sur sa validité.

La Cour de cassation a adopté le même raisonnement juridique dans un arrêt relativement récent[49]. L’on peut déduire de cet arrêt, que le contrat de gérance libre peut être caractérisé par le fait que le loueur du fonds de commerce paie les factures de l’eau et de l’électricité, reçoit des redevances de gérance et qu’il est titulaire de la patente(ou l’autorisation nécessaire) lui permettant l’exploitation dudit fonds de commerce. Les conditions juridiques prévues dans les articles 153 à 158 dudit code sont des conditions de l’opposabilité et non pas de validité.

A vrai dire, si l’on se fie à la solution de la chambre commerciale de la Cour de cassation, on peut avancer que la non-publicité du contrat de gérance libre n’empêche pas sa qualification juridique dès lors que ladite publicité a comme objectif la protection des créanciers du loueur du fonds de commerce et l’opposabilité aux tiers.

D’ores et déjà, l’on peut se demander quel serait l’impact d’une telle solution sur les futurs contrats de gérance libre et sur les tiers.

 

  1. Les conséquences de la solution adoptée par la Cour de cassation

La solution de la Haute juridiction du royaume donnée à la problématique de droit qui lui a été soumise ne manque pas d’avoir un certain nombre de conséquences soit d’ordre général soit en relation avec les parties au contrat de gérance libre en particulier.

  1. Les conséquences générales de la solution de la Cour de cassation

Bien que l’arrêt objet de ce commentaire soit un arrêt d’espèce[50] ce qui rend, par voie de conséquence, sa portée et son influence sur le droit positif minime. Il n’en demeure pas moins qu’il cache un certain nombre de conséquences de divers ordres. Il est évident que la présente solution de la chambre de la Cour de cassation a des conséquences juridiques sur des éventuelles qualifications de contrats de gérance libre que les juges du fond devraient prendre en considération dans des cas similaires. Cette solution a-t-elle un impact économique et social ? A vrai dire, quel soit un impact sur le droit positif, un impact économique ou un impact social, l’impact de la solution de la Cour de cassation demeure limité et réduit. Pourquoi ?

Tout simplement, parce que la présente solution de la Cour de cassation ne constitue pas un vrai revirement jurisprudentiel stricto sensu et n’a pas procédé qu’à une simple interprétation du sens des dispositions juridiques des articles 153 et 158 du code de commerce. En outre, faut-il le redire encore, cette décision ne concerne que les parties en cause même s’il est possible et envisageable que toutes les situations similaires trouvent un même sort et se résolvent de la même manière. Mais, il n’empêche qu’un certain nombre de conséquences juridiques, économiques et sociales peuvent en être tirées.

Premièrement, le caractère supplétif des dispositions juridiques relatives à la publicité du contrat de gérance libre est désormais confirmé. L’on peut comprendre que la non-publication d’un extrait de ce contrat dans le Bulletin officiel et dans un journal d’annonces légales n’est pas d’ordre public et n’entraîne plus sa nullité entre les parties. C’est dire qu’un contrat de gérance libre peut être, dorénavant, qualifié comme tel même s’il n’est pas publié dans les conditions juridiques prévues dans l’article 153 du code de commerce.

Concernant la nullité prévue dans l’article 158 du code de commerce, elle n’englobe pas les dispositions de l’article 153 et ne vise que les dispositions impératives.

Enfin, une telle solution pourrait pousser le législateur à préciser exactement les règles juridiques régissant le contrat de gérance libre qui sont d’ordre public et dont le non-accomplissement entraînerait la nullité du contrat.

Deuxièmement, une telle solution aurait participé à l’encouragement de la pratique de gérance libre. Comment ?

En principe, le juridique est au service de l’économique. Et plus les regèles juridiques sont souples plus la volonté contractuelle des entrepreneurs se dilate, plus les opérations économiques s’en profitent. La solution permettrait alors aux relations économiques entre le loueur du fonds de commerce et le gérant libre de durer dans le temps dès lors que la non-publication desdites relations ne les mette pas en cause.

L’attitude sévère de législateur quant à la force juridique des dispositions juridiques applicables à la technique de gérance libre ne sert en rien les relations économiques entre les parties bien que l’objectif de telle attitude soit, en premier lieu, la protection des tiers. En effet, elle laisse un espace de doute dans lequel chaque partie serait menacée de l’action en nullité de l’autre partie. En n’acceptant pas une telle nullité entre les parties, les relations économiques seront stables et, c’est également un facteur de stabilité des relations sociales.

Troisièmement, dans quelle mesure la solution de la chambre commerciale de la Cour de cassation participerait-elle à la stabilité des relations sociales entre les parties à un contrat de gérance libre ? La possibilité offerte à un loueur d’un fonds de commerce, dans le cadre d’une gérance libre non publiée, d’invoquer cette nullité en sa faveur pour faire expulser le gérant libre n’est plus envisageable vu l’interprétation faite par la Cour de cassation des articles 153 et 158 du code de commerce. Le gérant libre ne serait plus privé de son activité commerciale par le seul motif que le contrat à la base de cette activité n’était pas publié. Donc, l’absence de nullité aurait profité en premier lieu au gérant mais encore aux autres personnes qui y sont liées par des relations contractuelles comme ses salariés, etc. et celles qui lui sont proches.

Toutefois, l’impact de la solution influence également, et en particulier, les parties à ce contrat.

 

  1. L’impact quant aux parties à un contrat de gérance libre

La solution apportée par la chambre commerciale de la Cour de cassation à la question de droit qui lui a été soumise, aurait impacté et la position juridique de loueur d’un fonds de commerce et la position digérant libre.

Quant à un loueur d’un fonds de commerce, c’est sa responsabilité solidaire[51] avec le gérant libre qui serait en cause[52]. En effet, si l’absence de publicité du contrat n’entraîne pas la nullité de la gérance libre, le défaut de ladite publicité a cependant des conséquences sur le départ de délai de six mois durant lequel le loueur est responsable solidairement des dettes contractées pour l’exploitation du fonds[53]. L’article 155 du code de commerce dispose : «jusqu’à la publication du contrat de gérance libre et pendant une période de 6 mois suivant la date de cette publication, le bailleur du fonds est solidairement responsable avec le gérant libre des dettes contractées par celui-ci a l’occasion de l’exploitation du fonds, sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 60[54]». En effet, le commencement de délai précité sera différé faute de publicité et le loueur ne pourra, en plus se prévaloir de la connaissance par les créanciers de gérant libre de ladite gérance[55].

En outre, le loueur qui n’a pas procédé à une telle publication ne peut espérer échapper à la solidarité en invoquant la publication du contrat de gérance libre au registre de commerce[56].

Par ailleurs, en cas de procédure collective frappant le gérant libre, le défaut de publicité empêche le loueur du fonds de commerce de bénéficier de la dispense de revendication prévue par l’article 701 du code de commerce en faveur de celui qui est propriétaire d’un bien lorsque le contrat portant sur celui-ci a fait l’objet d’une publicité[57].

Quant à la position juridique de gérant libre, elle se voit renforcée par le biais de la présente solution. En effet, celle-ci vient constituer une garantie de plus octroyée au gérant dont la position par rapport au loueur est faible[58].

Dorénavant, il ne va pas faire l’objet d’une procédure d’expulsion de fonds de commerce qu’il gère dans le cadre d’une gérance libre non publiée puisque le loueur ne pourrait invoquer la nullité tirée de l’absence de publication à son encontre.

Il peut se réjouir également de délai prolongé de la solidarité de loueur même s’il ne lui profite pas directement[59].

En gros, le gérant libre échappe à l’action en nullité que le loueur aurait pu exercer à son égard faute de la publication du contrat de gérance libre.

Donc, cette décision de la Cour de cassation a fait une nouvelle lecture positive, au niveau de ses effets juridiques, des articles 153 et 158 du code de commerce régissant la publication de contrat de gérance libre.

Cependant, il reste encore des doutes sur la vraie portée juridique et la valeur normative de cette décision dans la mesure où, récemment, la Cour de cassation[60] n’a pas hésité à approuver les juges du fond qui ont donné suite à une demande de nullité de contrat de gérance libre sur le fondements de non-accomplissement des formalités juridiques prévues dans les articles 153 à 158 du code de commerce.

 

En guise de conclusion, l’absence de la publication du contrat de gérance libre n’a aucun effet sur sa qualification juridique dans la mesure où les dispositions juridiques de l’article 153 du code de commerce ne sont pas d’ordre public et ne constituent pas, partant, une condition de validité de ce contrat.

Toutefois, il reste à savoir si cette position jurisprudentielle va être réitérée par la Cour de cassation dans ses futures décisions.

 

 

OUL-CAID Brahim

Juriste d’Affaires

 

[1]Dans ce commentaire, nous allons nous limiter seulement à la publication du contrat de gérance libre en lien étroit avec sa qualification juridique sans traiter la distinction de ce contrat avec d’autres contrats voisins comme le contrat de société en participation. En effet, la distinction entre le contrat de gérance libre et l’apport en jouissance d’un fonds de commerce est délicate dans la mesure où ils ont des similitudes. La différence essentielle entre eux, c’est que l’apporteur en jouissance ne peut imposer à la société l’obligation d’exploiter le fonds. De plus, la société en participation est soumise est régie par les dispositions de l’article 88 et suivant de la loi n˚5-96 relative à la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par action, la société à responsabilité limitée et la société en participation alors que la gérance libre est soumise aux articles 152 et s du code de commerce. Pour plus d’illustrations là-dessus, V. Hugues KENFACK, location-gérance de fonds de commerce, Rép. Com. Dalloz, Oct. 2006 ; Francis LEMEUNIER, fonds de commerce, 17e édit. DELMAS, 2007 ; Gérard AZEMA, la gérance du fonds de commerce, collection Delmas Droit des Affaires, Dalloz, 1997 ;

 

[2]محمد مومن، التسيير الحر للأصل التجاري في القانون المغربي، 2005 ص. 178

[3] Ibid.

[4]انظر عبد الرحيم بحار، القضاء التجاري والمنازعات التجارية، دراسة تأصيلية مقارنة ومعززة بأحدث الاجتهادات القضائية الصادرة في المادة التجارية، الطبعة الأولى، 2014.

[5] V. Mohammed MOUMEN, Op. cit.

[6]انظر أحمد ادريوش، التسيير الحر للأصل التجاري في ضوء المدونة الجديدة للتجارة، منشورات مجلة القانون المغربي، عدد 4 يوليوز 2003.

[7]محمد مومن، التسيير الحر للأصل التجاري في القانون المغربي، 2005 ص. 178

[8]محمد مومن، التسيير الحر للأصل التجاري في القانون المغربي، 2005.

[9]انظر أحمد شكري السباعي، الوسيط في الاصل التجاري، الجزء الثالث، الطبعة الاولى، دار نشر المعرفة، 2013، ص. 508 وما يليها.

[10] Cass. Ch. mixte, n˚651, dossier n˚1143/3/1/2006, en date du 7 mai 2008, publié au Bulletin de la cour suprême (actuellement la Cour de cassation), n˚21 du Juillet 2009, P. 100 et s.

[11] Cass. Ch. com. n˚240/2, 10 mars 2018, dossier commercial n˚1416/3/2/2016.

[12] L’article 309 du Dahir des Obligations et des Contrats (D.O.C) dispose : «L’obligation qui est nulle comme telle, mais qui a les conditions de validité d’une autre obligation légitime, doit être régie par les règles établies pour cette obligation»

[13]انظر عبد الرحيم بحار، القضاء التجاري والمنازعات التجارية، دراسة تأصيلية مقارنة ومعززة بأحدث الاجتهادات القضائية الصادرة في المادة التجارية، الطبعة الأولى، 2014، ص. 292.

[14]Mohammed Drissi ALAMI MACHICHI, droit commercial fondamental au Maroc, Dar Al Kalam, Rabat, 2006, P. 508.

[15]انظر أحمد ادريوش، التسيير الحر للأصل التجاري في ضوء المدونة الجديدة للتجارة، منشورات مجلة القانون المغربي، عدد 4 يوليوز 2003، ص. 66 وما يليه.

  • فؤاد معلال، شرح القانون التجاري المغربي الجديد، الطبعة الأولى، 1999، ص. 214 وما يليها.

[16]انظر عبد الرحيم بحار، القضاء التجاري والمنازعات التجارية، دراسة تأصيلية مقارنة ومعززة بأحدث الاجتهادات القضائية الصادرة في المادة التجارية، الطبعة الأولى، 2014، ص. 292.

[17]انظر عبد الرزاق السنهوري، الوسيط في شرح القانون المدني، نظرية الالتزام، الجزء الثاني، دار احياء التراث العربي، بيروت، لبنان، ص. 79 وما يليها.

[18]انظر عبد الرزاق السنهوري، الوسيط في شرح القانون المدني، نظرية الالتزام بوجه عام، مصادر الالتزامات، الجزء الأول، دار احياء التراث العربي، بيروت، لبنان، ص. 486 وما يليها.

[19] L’article 306 du D.O.C dispose : «l’obligation nulle de plein droit ne peut produire aucun effet, sauf la répétition de ce qui a été payé indument en exécution de cette obligation.

L’obligation est nulle de plein droit :

  1. Lorsqu’elle manque d’une des conditions substantielles de sa formation ;
  2. Lorsque la loi en édicte la nullité dans un cas déterminé. »

[20] V. l’article 81 du code de commerce qui dispose : « la vente ou….». Cette disposition a été rappelée par l’arrêt, susvisé là-haut, rendu par une chambre mixte de la Cour de cassation.

[21] Dans ce cas, l’article 401 du D.O.C dispose : «Aucune forme spéciale n’est requise pour la preuve des obligations, si ce n’est dans les cas où la loi prescrit une forme déterminée.

Lorsque la loi prescrit une forme déterminée, la preuve de l’obligation ou de l’acte ne peut être faite d’aucune autre manière, sauf dans les cas spécialement exceptés par la loi.

Lorsque la loi prescrit la forme écrite pour un contrat, la même forme est censée requise pour toutes les modifications de ce même contrat». Toutefois, la lecture du premier alinéa de cet article laisse subsister quelques doutes sur l’importance et les conséquences juridiques des formalités juridiques prévues par l’article 153 du code de commerce et renforcées par l’article 158 dudit code.

[22]Philippe MALAURIE, Laurent AYNES et Pierre-Yves GAUTIER, les contrats spéciaux, 6e édit. Lextensoeditions, 2012, P. 7 et s. d’après ces auteurs, la qualification est une difficulté que soulève toute règle de droit. Selon eux, pour appliquer le droit au fait, il est nécessaire de qualifier le fait, c’est-à-dire déterminer la catégorie juridique dans laquelle il entre.

[23] V. Idem, P. 8.

[24] Pour mieux comprendre le contrat de gérance libre et les problèmes qu’il suscite, V. Francis LEMEUNIER, fonds de commerce, 17e édit. DELMAS, 2007. Olivier BARRET, les contrats portant sur le fonds de commerce, LGDJ, 2001. Jean DERRUPPE, le fonds de commerce, Dalloz, 1994.

[25] Pour la nature du contrat de gérance libre : est-ce un acte civil ou un acte de commerce ?, V.

أحمد ادريوش، التسيير الحر للأصل التجاري في ضوء المدونة الجديدة للتجارة، منشورات مجلة القانون المغربي، عدد 4 يوليوز 2003، ص 64.

 

[26] Pour le loueur, la simple mise en location du fonds de commerce ne confère pas la qualité de commerçant, peu important qu’il soit ou non immatricule au registre du commerce. V. Hugues KENFACK, location-gérance de fonds de commerce, Op.cit. P. 8 et s. d’ailleurs le législateur marocain n’a pas prévu une obligation d’exploitation du fonds de commerce par son propriétaire, préalable a sa mise en location gérance. Ce qui veut dire qu’une personne puisse acquérir un fonds de commerce et le mettre en gérance libre par la suite sans acquérir la qualité de commerçant. Dans cas, la gérance libre constitue un acte mixte. Civil pour le loueur et commercial pour le gérant.

De plus, le loueur de fonds de commerce peut se faire radier du registre de commerce et perd alors la qualité de commerçant. Voir :

محمد الفروجي، التاجر وقانون التجارة بالمغرب، دراسة تحليلية نقدية في ضوء القانون المغربي والقانون المقارن والاجتهاد القضائي، الطبعة الثانية، مطبعة النجاح الجديدة ـالدار البيضاء، 1999، ص. 200.

[27]عبد الرحيم الجمل، حرية اثبات عقد التسيير الحر من خلال التعليق على حكم قضائي، مجلة المحامي، دورية تصدر عن هيئة المحامين بمراكش، عدد خاص بالمنازعات التجارية [شركات وصعوبات المقاولةـ كراء تجاري والعمليات الواردة على الأصل التجاري ــ عمليات بنكية] العدد 71 يوليوز 2018، ص. 191 وما يليها.

[28] V. Philippe MALAURIE, Laurent AYNES et Pierre-Yves GAUTIER, les contrats spéciaux, Op.cit. P. 8 et s.

 

[29] Pour plus d’illustrations dans cette matière de contrôle exécré par la Cour de cassation V. Xavier BACHELIER, le pouvoir souverain des juges du fond, Bulletin d’information de la Cour de cassation du 15 mai 2009, p. 18 et s. Jean-François WEBER, comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile, Bulletin d’information de la Cour de cassation du 15 mai 2009, p. 6 et s.

[30] Cette traduction est personnelle et ne prétend pas à la rectitude des termes juridiques employés.

[31] Cass., ch. Com, n˚418/2 du 27 juillet 2017 dossier commercial n˚ 33/3/2/2015.

[32] Cass. Ch. com. n˚1/2 en date du 9 janvier 2014, dossier commercial n˚586/3/2/2013.

[33]انظر أحمد ادريوش، التسيير الحر للأصل التجاري في ضوء المدونة الجديدة للتجارة، منشورات مجلة القانون المغربي، عدد 4 يوليوز 2003.

  • فؤاد معلال، شرح القانون التجاري المغربي الجديد، الطبعة الأولى، 1999.
  • عبد الرحيم بحار، القضاء التجاري والمنازعات التجارية، دراسة تأصيلية مقارنة ومعززة بأحدث الاجتهادات القضائية الصادرة في المادة التجارية، الطبعة الأولى، 2014،

[34] V. Mohammed Drissi ALAMI MACHICHI, droit commercial fondamental au Maroc, Dar Al Kalam, Rabat, 2006, P. 508 et s.

[35] Les publications de la FSJES- Souissi-Rabat, les innovations du code de commerce  et leur impact sur l’entreprise marocaine, travaux de la journée d’études organisée par le département du droit privé avec le concours du Ministère de l’Industrie, du commerce et de l’artisanat le 24 mai 1997, colloque n˚2, P. 17.

[36] V. Cass. Ch. mixte, n˚651, dossier n˚1143/3/1/2006, en date du 7 mai 2008, publié au Bulletin de la cour suprême (actuellement la Cour de cassation), n˚21 du Juillet 2009, P. 100 et s.

[37]Francis LEMEUNIER, fonds de commerce, 17e édit. DELMAS, 2007, P. 209.

[38]أحمد شكري السباعي، الوسيط في الاصل التجاري، الجزء الثالث، الطبعة الاولى، دار نشر المعرفة، 2013، ص 506

[39] V. Idem. En fait le code de commerce français prévoit dans son article R-144-1 que : «Les contrats de gérance définis à l’article L. 144-1 sont publiés dans la quinzaine de leur date sous forme d’extraits ou d’avis dans un journal habilité à recevoir les annonces légales. La fin de la location-gérance donne lieu aux mêmes mesures de publicité». Du même, l’article 144-10 du même code dispose : «Tout contrat de location-gérance ou toute autre convention comportant des clauses analogues, consenti par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul. Toutefois, les contractants ne peuvent invoquer cette nullité à l’encontre des tiers.

La nullité prévue à l’alinéa précédent entraîne à l’égard des contractants la déchéance des droits qu’ils pourraient éventuellement tenir des dispositions du chapitre V du présent titre réglant les rapports entre bailleurs et locataires en ce qui concerne le renouvellement des baux à loyer d’immeubles ou de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal». Donc, la nullité prévue cet article ne vise que les dispositions déclarées d’ordre public.

[40] V. idem.

[41] L’article 2 du D.O.C dispose : «Les éléments nécessaires pour la validité des obligations qui dérivent d’une déclaration de volonté sont :

1° La capacité de s’obliger ;

 2° Une déclaration valable de volonté portant sur les éléments essentiels de l’obligation ;

3° Un objet certain pouvant former objet d’obligation ;

4° Une cause licite de s’obliger»

[42]محمد أطويف، الوجيز في شرح القانون التجاري، الطبعة الأولى، مطبعة الأمنيةــ الرباط، 2016، ص. 217.

[43] V. Hugues KENFACK, location-gérance de fonds de commerce, Op.cit. P. 28.

[44]Décidant que la sanction de la nullité ne vise que les infractions aux règles légales ayant trait à la conclusion du contrat, non celles relatives à la publicité d’un contrat, qui n’ont pour effet que d’informer les tiers, CA Rouen, 20 Oct. 1994, In Hugues KENFACK, location-gérance de fonds de commerce, Op.cit.

[45] V. Gérard AZEMA, la gérance du fonds de commerce, collection Delmas Droit des Affaires, Dalloz, 1997, P. 40.

[46]Francis LEMEUNIER, fonds de commerce, 17e édit. DELMAS, 2007, P. 218 et s.

[47] Cass. Ch. com. n˚ 1/2 du 4 janvier 2018, dossier commercial n˚ 361/3/2/2016.

[48] C.A de commerce de Fès, arrêt n˚1457 du 5 Nov. 2015 dossier n˚ 1624/2015/8202.

[49] Cass. Ch. Com. n˚157/2, 29 mars 2018, dossier commercial n˚728/3/2/2016.

[50] Pour plus d’illustration quant à la structure, la nature, la portée, la valeur, etc. des arrêts de la Cour de cassation, V. Jean-François WEBER, comprendre un arrêt de la Cour de cassation rendu en matière civile, Bulletin d’information de la Cour de cassation du 15 mai 2009, Op.cit.

[51] V. Gérard AZEMA, la gérance du fonds de commerce, collection Delmas Droit des Affaires, Dalloz, 1997, P. 40 et s.

[52]مصطفى مالك، المسؤولية التضامنية لمالك الاصل التجاري والمسير الحر، قراءة في المادة 155 من مدونة التجارة المغربية، سلسلة الاجتهاد القضائي، عدد 1، دجنبر 2010، ص. 71 وما يليها.

[53] V. Francis LEMEUNIER, fonds de commerce, 17e édit. DELMAS, 2007, P. 209.

[54] L’article 60 du code de commerce dispose : «en cas de la cession ou de location d’un fonds de commerce, la personne immatriculée reste solidairement responsable des dettes de son successeur ou de son locataire tant qu’elle ne s’est pas fait radier du registre du commerce ou qu’elle n’a pas fait modifier son inscription avec la mention expresse de la vente ou la location»

[55]مصطفى مالك، المسؤولية التضامنية لمالك الاصل التجاري والمسير الحر، قراءة في المادة 155 من مدونة التجارة المغربية، سلسلة الاجتهاد القضائي، عدد 1، دجنبر 2010، ص. 81

[56] V. Olivier BARRET, les contrats portant sur le fonds de commerce, LGDJ, 2001, P. 278 et s.

[57] V. Francis LEMEUNIER, fonds de commerce, 17e édit. DELMAS, 2007, P. 209.

 

[58]انظر سمية رقبي، ضمانات والتزامات المسير في عقد التسيير الحر، منشور في مجلة المنارة، العدد 10 يوليوز 2015، ص. 133.

[59] Le gérant ne peut pas invoquer la solidarité de loueur puisqu’elle profite seulement à ses créanciers.

[60] Cass. Ch. com. n˚45/2 du 31 janvier 2019, dossier commercial n˚ 534/3/2/2017.

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