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L’encadrement juridique de la médiation en droit français

L’encadrement juridique de la médiation en droit français

Par Émilie Charpy, doctorante en droit, Université Aix-Marseille – Centre Pierre Kayser

 

 

« Mon but n’est pas de convaincre mon adversaire mais de m’unir à lui dans une vérité plus haute »  

Saint Thomas d’Aquin

 

 

 

1 – Il est de coutume, à l’instar du premier président Drai[1], d’évoquer le roi Saint-Louis rendant la justice sous son chêne à Vincennes lorsque l’on cherche à définir les origines de la médiation. D’aucuns préciseront que cette dernière remonte à des temps fort anciens[2] et était déjà reconnue et pratiquée dans le droit coutumier. Pour autant, et c’est là un écueil à éviter, il ne s’agit pas de confondre médiation et conciliation. En effet, la conciliation « couvre à elle seule une multitude de modes amiables de règlement des conflits »[3] dont notamment la médiation. Or, la médiation suppose, entre autre, l’intervention d’un tiers particulièrement actif dans la recherche de la solution[4] à la différence de la conciliation. D’autres critères comme celui de la finalité des processus ont été proposés afin de distinguer les deux modes de résolution des conflits, ainsi « la conciliation – pour laquelle l’intervention d’un tiers n’est pas obligatoire – privilégie le résultat, tandis que celui de la médiation s’attache davantage aux moyens utilisés pour y parvenir »[5]. En d’autres termes, la médiation est « un mode de solution des conflits consistant, pour la personne choisie par les antagonistes (en raison le plus souvent de son autorité personnelle), à proposer à ceux-ci un projet de solution, sans se borner à s’efforcer de les rapprocher, à la différence de la conciliation, mais sans être investi du pouvoir de le leur imposer comme décision juridictionnelle, à la différence de l’arbitrage et de la juridiction étatique […] »[6].

 

2 – C’est vers la fin des années 1970 que se conceptualise la médiation[7] aux États-Unis. Cette dernière trouve son origine dans le règlement des conflits familiaux permettant de régler des questions à fort potentiel émotionnel sans recourir à la voie judiciaire. Ce sont James Coogler, avocat d’affaires et John Haynes, thérapeute familial qui seront considérés comme les précurseurs de cette approche[8]. Ainsi, dès les années 1980, le Center For Public Resources[9] conçoit un programme dit « Alternative Dispute Resolution » destiné à promouvoir un mode de règlement des conflits sans recourir aux procédés juridictionnels classiques, permettant également un désengorgement des juridictions américaines. Puis, sous l’impulsion des autorités fédérales, des centres de médiation sont alors constitués aboutissant à faire de ce processus un mode privilégié de règlement des conflits. Dans le cadre de l’Europe et notamment au sein des pays nordiques, l’apparition de la médiation est plus ancienne[10]. En effet, dès 1809 trouve-t-on trace d’un médiateur juridique dans la Constitution suédoise. En France, si un règlement datant de 1671 chargeait les assemblées de gentilshommes et de clercs « de pacifier les différends, et de travailler à la médiation des procès et des querelles », il faudra réellement attendre le début des années 1970 pour assister au développement de la médiation, la médiation judiciaire étant « déjà pratiquée au Tribunal de grande instance de Paris et à la Cour d’appel de Paris depuis les années 1960-1970. On peut même dire que c’est cette pratique parisienne qui a inspiré la codification postérieure »[11]. De fait, en 1995[12], la médiation se voit accorder un statut civil. Cette loi se fait « l’écho d’une solution prétorienne intervenue moins de deux ans auparavant »[13] puisque dans un arrêt en date de 1993[14], la Cour de cassation retenait que la médiation « dont l’objet est de procéder à la confrontation respective des parties en vue de parvenir à un accord proposé par le médiateur, est une modalité d’application de l’article 21 NCPC[15] » conférant au juge mission de concilier les parties. Cette loi n’innove pas en ce que la médiation faisait déjà partie de l’univers procédural mais elle confère à cette dernière un statut législatif. Le décret d’application[16] qui suivra insèrera au sein du code de procédure civile quinze articles (articles 131-1 à 131-15 du code de procédure civile) régissant la médiation. Il en résulte un corpus de règles ayant vocation à encadrer et structurer le processus de médiation judiciaire.

 

3 – D’autres domaines seront concernés par cette phase de « consécration législative »[17] puisqu’une loi du 4 janvier 1993[18] consacre la médiation pénale. Puis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 ouvre au salarié victime d’un harcèlement moral le recours à un médiateur extérieur à l’entreprise[19] et la loi du 18 janvier 2005 offre aux chambres consulaires la possibilité de désigner un médiateur afin de résoudre les différends entre les employeurs et les apprentis ou leur famille[20]. Enfin, la réforme relative à l’autorité parentale du 4 mars 2002[21] introduit dans le code civil[22] la médiation familiale. Peuvent également être cités le médiateur de la République, autorité administrative indépendante instituée par la loi du 3 janvier 1973[23] ou encore le médiateur du cinéma, autorité administrative indépendante instituée par la loi du 29 juillet 1982[24].

 

4 – Parallèlement au développement de la médiation judiciaire, se développe également la médiation en dehors de toute instance judiciaire. Il existe, en effet, un champ extra-judiciaire de la médiation, celui de la médiation privée « résolument conventionnelle »[25]. Néanmoins, si le législateur a mis en place un cadre juridique afférent à la mise en œuvre de la médiation judiciaire aucune disposition légale spécifique n’existait en faveur de la médiation conventionnelle. Or, la transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du conseil le 21 mai 2008 portant sur « certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale » a été l’occasion, pour la France, de proposer la mise en œuvre d’un régime général de la médiation englobant médiation judiciaire et médiation extrajudiciaire (I), le décret d’application n°2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends créant, à cette fin, dans le code de procédure civile un livre entier consacré aux modes de résolution amiables des différends en dehors de toute procédure judiciaire (II).

 

 

I.                   L’élaboration d’un cadre général au processus de médiation : la transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008

 

 

5 – La médiation judiciaire peut se définir comme un mode conventionnel de règlement des litiges intervenant dans le cadre d’une instance judiciaire, par lequel le juge, saisi d’un litige et après avoir recueilli le consentement des parties, désigne un tiers chargé, sous son contrôle et contre rémunération, de confronter leurs points de vue respectifs et de les aider à trouver une solution au litige qui les oppose (C. proc. civ., art. 131-1 et s.). La médiation judiciaire dispose d’un vaste champ d’application puisque seules les matières où les parties n’ont pas la libre disposition de leurs droits en sont exclues. Le cadre imposé par la loi de 1995 est relativement souple et ne modifie pas la nature conventionnelle de la médiation. Simplement, le contexte judiciaire explique que cette dernière fasse l’objet d’une certaine réglementation « de manière à protéger les intérêts privés des parties et à garantir l’administration d’une bonne justice »[26]. De manière très schématique, il convient de rappeler les principales dispositions de cette loi. Cette dernière consacre, dans le cadre de la médiation judiciaire, les principes de confidentialité et de loyauté. Également, le juge se verra accorder un rôle prépondérant en ce qu’il propose la médiation, sans toutefois pouvoir l’imposer aux parties, et désigne un tiers ou procède à l’agrément de celui-ci lorsque ce dernier est nommé par une association. Il fixe également la rémunération du médiateur et doit être tenu informé du bon déroulement de l’évolution du processus de médiation. Par ailleurs, « l’homologation et le contrôle subséquent du juge sur le contrat signé par les parties est seulement une phase facultative tendant à l’obtention de la force exécutoire »[27]. En d’autres termes, si l’on ne peut nier l’existence d’un encadrement juridique de la médiation judiciaire, force est de constater que cet encadrement reste sommaire. D’ailleurs, nombre d’auteurs estiment que ces quelques règles sont insuffisantes et ne permettent pas de structurer le cadre de la médiation. Ainsi, la commission Magendie[28] a, par exemple, travaillé à une institutionnalisation du processus de médiation devant les juridictions et à, entre autre, une évaluation qualitative des médiations. Quant à la médiation conventionnelle, cette dernière n’est pas concernée par le dispositif législatif afférent à la médiation judiciaire et reste régie par le droit des contrats.

 

6 – L’adoption de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil le 21 mai 2008[29] sur « certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale » a été l’occasion d’un regain de propositions de nouvelles dispositions dans ce domaine. Elle fait suite à l’adoption par le Conseil, en mai 2000, des conclusions sur les modes alternatifs de règlement des conflits relevant du droit civil et commercial et de la présentation par cette dernière, en avril 2002, du livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial[30]. Pour n’en citer que les grandes lignes, la directive propose en premier lieu une définition de la médiation en tant que « processus structuré, quelle que soit la manière dont il est nommé ou visé, dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. » (art. 3 a.). Cette directive n’a vocation à s’appliquer qu’aux médiations intervenant dans les litiges transfrontaliers, même si la possibilité d’une extension du champ d’application de la directive par les États aux processus de médiation internes n’est pas exclue. De même la directive oblige les États membres à encourager « l’élaboration de codes volontaires de bonne conduite et l’adhésion à ces codes […] » (art. 4. 1.) et définit trois qualités exigées du médiateur : la célérité, la compétence et l’impartialité à l’égard des parties (art. 4. 2). Également, concernant le recours à la médiation, la directive donne le droit à tout juge de la communauté, à chacune des étapes de la procédure, de proposer aux parties d’assister « à une réunion d’information sur le recours à la médiation » et « d’inviter les parties à recourir à la médiation pour résoudre le litige » (art. 5. 1.) et précise que l’accord peut être rendu exécutoire par une juridiction ou autorité compétente au moyen d’une décision judiciaire ou d’un acte authentique (art. 5. 2.). Enfin, la directive fait état, d’une part, du principe de confidentialité inhérent à la médiation (art. 7) et préconise, d’autre part, de veiller à ce que les parties ayant recours à la médiation ne se voient pas empêchées de saisir la justice en raison des délais de prescription (art. 8).

 

7 –  L’État se devait de procéder à la transposition de la directive avant le 21 mai 2011. A ce titre, l’article 198 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 « de simplification et d’amélioration de la qualité du droit »[31] autorise le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance pour transposer la directive et permet, dans le même temps d’ « étendre, le cas échéant, sauf en matière administrative, les dispositions prises en application [de la transposition de la directive] à des médiations qui ne sont pas de nature transfrontalière ». En conséquence, a été publiée au Journal Officiel le 17 novembre 2011, l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transcription de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008. Un rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance, publié le même jour précise le champ d’application de l’ordonnance. Cette dernière s’applique donc à l’ensemble des médiations transfrontalières, qu’elles soient judiciaires ou conventionnelles, portant sur des matières civiles ou commerciales mais également aux médiations intervenant en dehors de tout contexte transfrontalier. Le Gouvernement a, en effet, profité de la transposition de la directive pour « améliorer le régime de la médiation » et il a été décidé « de ne pas limiter la transposition [de la directive] au seul domaine des médiations transfrontalières »[32]. L’ordonnance entend ainsi « fixer un cadre général à la médiation, englobant la médiation conventionnelle ainsi que l’ensemble des processus entrant dans le champ d’application matériel de la directive »[33].

 

8 – La loi française dispose déjà, comme précédemment mentionné, d’un cadre juridique relatif à la médiation judiciaire et répondant aux exigences de la directive. Il était donc nécessaire d’établir également un cadre juridique pour la médiation conventionnelle. A cette fin, la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative sera modifiée en plusieurs de ses dispositions. En effet, l’ordonnance prévoit en son article 1er une modification du chapitre 1er du titre II de la loi de 1995 désormais intitulé « La médiation »[34]. L’ordonnance reprend, dans une première section titrée « Dispositions générales », la définition de la médiation donnée par la directive, définition large puisque désormais sont concernées toutes les formes de médiation, c’est-à-dire la médiation au sens strict qu’elle soit conventionnelle ou judiciaire mais également toute conciliation qui n’est pas menée par le juge en charge de trancher le litige (art. 21 mod.). Il est cependant fait exception des médiations régies par des règles particulières telle que la médiation familiale (art. 21-1 mod.). Puis le texte énonce les trois qualités inhérentes à la fonction de médiateur : l’impartialité, la compétence et la diligence. La notion d’indépendance fut un temps évoquée, mais elle n’a, au final, pas été retenue car comme en fait mention le rapport, cette notion « peut être comprise comme renvoyant à l’existence d’un statut, notamment lorsque les personnes inscrivent leur activité dans le cadre d’une structure organisée […]. Une telle notion […] aurait été de nature à rigidifier l’exercice d’une telle activité »[35]. Le texte reprend, en outre, l’exigence de confidentialité en interdisant aux parties de divulguer à des tiers les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours du processus de médiation ou d’en faire état au cours d’une procédure judiciaire ou arbitrale[36] (art. 21-3 mod.). La notion de confidentialité est entendue plus strictement que la notion visée par la directive européenne qui envisage « le médiateur et les personnes participant à l’administration du processus de médiation » et s’étend aux preuves. Il en ressort que « la confidentialité est […] à géométrie variable […] et tributaire de la volonté des parties »[37]. S’agissant ensuite de la deuxième section, elle est dévolue à la « Médiation judiciaire ». Cette deuxième section reprend, pour partie, les articles de la loi de 1995. Ainsi, le juge saisi d’un litige peut, à tout moment, désigner un médiateur avec l’accord des parties (art. 22 mod.) sauf dans le cadre des tentatives préalables de conciliation en matière de divorce et de séparation de corps. Il est donc permis au juge d’adresser une injonction aux parties[38]. En revanche, dans toutes les autres hypothèses de tentative préalable de conciliation prescrites par la loi le juge peut enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur (art. 22-1 mod.), la médiation étant ainsi intégrée dans les tentatives de conciliation prévues par la loi. L’article suivant concerne les modalités de rémunération du médiateur, sur ce point, les dispositions demeurent inchangées. Et enfin, l’ordonnance limite l’application des dispositions générales (art. 21 à 21-5 mod.) aux seuls différends transfrontaliers dans le cadre d’une médiation conventionnelle intervenant dans les différends qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail (art. 24 mod.). Enfin, l’article 2 de l’ordonnance procède à la transposition de la directive en matière administrative[39].

 

9 –  Ainsi, l’ordonnance instaure un cadre général au processus de médiation. Ce cadre a vocation à englober la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle ainsi que l’ensemble des processus entrant dans le champ d’application matériel de la directive comme les conciliations menées par les conciliateurs de justice. Or, si l’ordonnance esquisse les contours de la médiation conventionnelle, le décret d’application en date du 20 janvier 2012 lui donne corps.

 

 

 

II.                L’élaboration d’un cadre spécifique au processus de médiation conventionnelle : le décret d’application du 20 janvier 2012

 

 

10 – La France a, avec quelques mois de retard, transposé la directive du 21 mai 2008 par le biais de l’ordonnance sus-visée. Pour autant, un décret d’application était nécessaire. C’est chose faite depuis quelques jours puisque est paru le 20 janvier 2012 le décret n° 2012-66[40] pris en application de l’ordonnance du 16 novembre 2011 précitée mais également de la loi n°2010-1609 du 22 novembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice[41]. Ce décret crée, dans le code de procédure civile, un livre consacré aux modes de résolution amiables des différends en dehors d’une procédure judiciaire, c’est-à-dire la médiation, la conciliation et la procédure participative. Est ainsi introduit un nouveau livre V intitulé « La résolution amiable des différends » dont la matière est définie par l’article 1528 du code de procédure civile : « les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance d’un médiateur, d’un conciliateur de justice ou, dans le cadre d’une procédure participative, de leurs avocats ». Le décret précise également les règles applicables à chacun des modes de résolution amiable des différends ainsi que les modalités d’attribution de l’aide juridictionnelle à l’avocat conduisant une procédure participative. Il ne sera fait mention que des règles spécifiques afférentes à la médiation conventionnelle puisque pour la médiation judiciaire, le décret se contente de simples ajustements par rapport à l’ordonnance du 16 novembre 2011. En effet, au titre de la médiation judiciaire sont modifiés les articles 131-4, 131-12 et 131-13 du code de procédure civile. Aux termes de l’article 131-4, la médiation peut dès lors être confiée à une « personne morale » se dernier terme se substituant à « association ». Quant à l’article 131-12 relatif à l’homologation judiciaire de l’accord, il a désormais vocation à s’appliquer à un accord issu d’une médiation conventionnelle intervenu alors qu’une instance judiciaire est en cours[42].

 

11 – L’importance de la réforme vient de ce que la médiation conventionnelle fait son entrée dans le code de procédure civile avec un chapitre entier qui lui est dévolu. L’article 1530 du code de procédure civile se contente, afin de définir la médiation et la conciliation conventionnelle, de rappeler la définition de la directive de 2008. Quant à l’article suivant, il fait mention du principe de confidentialité se référant à l’article 21-3 modifié de la loi de 1995. Puis quatre articles sont consacrés dans ce nouveau livre à la médiation conventionnelle seule (C. proc. civ., art. 1532 à 1535). Ainsi, il est précisé, tout comme pour la médiation judiciaire que le médiateur « peut être une personne physique ou morale » et que lorsque le médiateur désigné est une personne morale cette dernière désigne, « avec l’accord des parties, la personne physique chargée d’accomplir la mission de médiation » (C. proc. civ., art. 1532). L’article suivant fait référence aux qualités requises pour assumer la mission de médiateur, elles sont au nombre de deux : « ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnées sur le bulletin n°3 du casier judiciaire » et « posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend ou justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation » (C. proc. civ., art.1533). Les conditions sont calquées sur celles de la médiation judiciaire bien que moins nombreuses. Cependant, « ces exigences ne conduisent pas à réserver la pratique de la médiation à des corps de professionnels déterminés dotés d’un statut. Elles constituent des éléments de qualité d’une prestation de service de médiation, dans la logique de la directive de 2008, pour qui la médiation n’est jamais qu’un service particulier qui doit être proposé dans un cadre concurrentiel »[43]. En revanche, concernant la procédure d’homologation de l’accord, l’article 1534 précise que « la demande tendant à l’homologation de l’accord issu de la médiation est présentée au juge par requête de l’ensemble des parties à la médiation ou de l’une d’elles, avec l’accord exprès des autres ». Or ce texte impose, contrairement à l’article 1441-4[44] du code de procédure civile l’accord de toutes les parties afin de rendre l’accord[45] exécutoire. Cette condition supplémentaire a vocation à fragiliser l’efficacité de l’accord en cas de partie récalcitrante. Certes, cette exigence est à analyser à la lumière de l’article 1535 du code de procédure civile permettant à l’accord issu de la médiation d’être rendu exécutoire par une juridiction ou une autorité d’un autre État membre de l’Union européenne, cependant, la question de l’efficacité du procédé reste posée. En outre, vouloir conférer à l’accord force exécutoire pourrait aboutir à « une vision pathologique de la médiation car quelle utilité y a t-il à requérir le caractère exécutoire de l’accord issu de la médiation dont le caractère obligatoire dépend exclusivement de la volonté des parties ? Mais cette anomalie se justifie pour les litiges transfrontaliers, l’objectif étant alors de lever les obstacles liés à la libre circulation  des solution issues de la médiation »[46]. Ainsi, la valeur juridique de l’accord issu de la médiation « conditionne son efficacité européenne et internationale, et donc sa libre circulation, à l’image des jugements entrant dans le champ d’application du règlement communautaire du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Or, […] dès 2001, le Parlement avait aussi proposé de rendre exécutoires les “décisions” obtenues dans le cadre de systèmes alternatifs de règlement de litiges à l’occasion de la transformation, en règlement, de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale[47] »[48].

 

12 – Pour conclure, il semblerait que le souhait d’un cadre général à la médiation conventionnelle et à la médiation judiciaire ait été exaucé. Pour autant, le cadre juridique dédié à la médiation conventionnelle ne paraît pas susceptible d’avoir une véritable incidence ni sur le recours à la médiation, ni sur le statut du médiateur. Le temps, véritable arbitre en la matière, infirmera ou non ce propos.

 

 

 


[1] P. Drai, Libres propos sur la médiation judiciaire, Études offertes à P. Bellet, Litec, 1991, p. 123 et s. et spéc. p. 125.

 

[2] Joinville, Mémoires, ch. XXXII dans Michaud et Poujoulat, 2e sér., t. II.

 

[3] J. Joly-Huard, Conciliation et médiation judiciaires, préface de S. Guinchard, thèse, Paris 2, 2003, PUAM, p. 19.

 

[4] Ch. Jarrosson, La notion d’arbitrage, Thèse, LGDJ, 1987, préf. B. Oppetit.

 

[5] Ch. Jarrosson, Les modes alternatifs de règlement des conflits : présentation générale, Revue internationale de droit comparé, vol. 49 n° 2, avril-juin 1997, p. 330.

 

[6] G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 2006, 7ème éd.

 

[7] V. A. Gaonac’h, Le champ d’application de la médiation judiciaire, Petites affiches, 21 juin 1999 n° 122, p. 5 : « Florrissante aux Etats-Unis, la médiation a été pourvue, à travers le Federal Mediation and Conciliation Service crée en 1947 par le Taft Hartley Act, d’une organisation structurée avec sept agences régionales » ; V. aussi S. Braudo, La pratique de la médiation aux États-Unis, Gaz. Pal. du 4 mai 1996, p. 457.

 

[8] J. Dahan, Quel développement de la médiation en Europe ?, Empan, 2008/4 n° 72, p.13.

 

[9] CPR, organisme fédéral dont le siège est à New-York.

 

[10] L’apparition de la notion est plus ancienne, mais la pratique de la médiation est, pour autant, beaucoup moins développée.

 

[11] T. Clay, La face cachée de la médiation, D. 2004, p. 3188.

 

[12] Loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, JO 9 février 1995.

 

[13] M. Douchy-Oudot et J. Joly-Hurard, Médiation et conciliation, Répertoire de procédure civile, Encyclopédie Dalloz, septembre 2006.

 

[14] Cass. 2ème civ., 16 juin 1993, Bull. civ. II, n° 211.

 

[15] Article 21 du code de procédure civile : « Il entre dans la mission du juge de concilier les parties. »

 

[16] Décret d’application du 22 juillet 1996, JO 23 juillet 1996.

 

[17] N. Dion, L’aventure de la médiation, Petites affiches, 29 juillet n° 150, p. 4.

 

[18] Article 41-1 du code de procédure pénale. La loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 consacre le terme de médiation pénale.

 

[19] Article L. 1152-6 du code du travail. Cette loi prévoit également le recours à un médiateur par le comité d’entreprise en cas de désaccord avec la direction sur un projet de restructuration, mais l’application de cette dernière disposition a été suspendue par la loi du 3 janvier 2003 et sera abrogée par la loi du 18 janvier 2005.

 

[20] Et ce relativement à l’exécution ou à la rupture du contrat d’apprentissage, dans la mesure où l’entreprise concernée ressort d’une chambre consulaire et où les parties sollicitent un médiateur, article L. 6222-39 du code du travail.

 

[21] Loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, JO du 5 mars 2002, p. 4161.

 

[22] Article 373-2-10 du code civil.

 

[23] Loi n° 73-6 du 3 janvier 1973, D. 1973. 65.

 

[24] Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982, D. 1982. 360.

 

[25] N. Dion, op. cit.

 

[26] M. Douchy-Oudot et J. Joly-Hurard, Médiation et conciliation, Répertoire de procédure civile, Encyclopédie Dalloz, septembre 2006.

 

[27] J. Timsit, La médiation : une alternative à la justice et non une justice alternative, Gaz. Pal., 15 novembre 2001, n° 319, p. 53.

 

[28] Rapport Magendie intitulé « Célérité et qualité de la justice. La médiation : une autre voie », http://www.ca-paris.justice.fr.

 

[29] eur-lex.europa.eu ; V. Dalloz actualité ; 25 avril 2008, obs. A. Lienhard 

 

[30] Elle intervient également suite à l’établissement, par un groupe de parties prenantes avec l’assistance de la Commission, du code de conduite européen pour les médiateurs lancé en juillet 2004.

 

[31] L. n° 2011-525, JO 18 mai 2011.

 

[32] Rapport relatif à l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2001 au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

 

[33] Ibid.

 

[34] Trois sections sont également créées : Section 1, Dispositions générales ; Section 2 , La médiation judiciaire ; Section 3, Dispositions finales.

 

[35] Rapport au Président de la République, op. cit.

 

[36] Sauf dans le cadre de deux exceptions : en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne et lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution.

 

[37] S. Amrani Mekki, La convention de procédure participative, D. 2011, p. 3007.

 

[38] V. article 845 du code de procédure civile permettant au juge « d’inviter » les parties à rencontrer un conciliateur.

 

[39] L’ordonnance transpose également la directive en matière administrative et insère à cette fin un nouveau chapitre dans le titre VII du Livre VII du code de la justice administrative. Elle modifie en outre l’article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 2010 portant réforme des procédures civiles d’exécution.

 

[40] JO 22 janvier 2012 ; Dalloz actualité, 24 janvier 2012, obs. A. Astaix ; Droit et Patrimoine : l’Hebdo 2012 – n° 861 du 30 janvier 2012 ; JCP N n°4, 27 janvier 2012, act. 180.

 

[41] Dalloz actualité, 12 janvier 2011, obs. C. Fleuriot.

 

[42] Pour l’article 131-13 du code de procédure civile, la modification n’est que formelle.

 

[43] E. Serverin, L’avant-projet de décret « relatif à la résolution amiable des différends au banc d’essai, Revue de droit du travail 2011, p. 516.

 

[44] Article 45 du décret du 20 janvier 2012 abrogeant l’article 1441-4 du code de procédure civile et le remplaçant par l’article 1568 nouveau.

 

[45] Il est à préciser que le terme « accord » issu de l’ordonnance de 2008 est repris.

 

[46] F. Osman, La médiation, nouveau mode alternatif de règlement des différends bancaires. Lecture comparée de droit communautaire et droit français, Revue EUREDIA, 2010/1, p. 51.

 

[47] Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, JO L 12 du 16.1.2001, pp. 1-23 et les réactions de la Commission sur ces différents points dans sa proposition modifiée présentée le 26 octobre 2000, COM(2000) 689 final.

 

[48] F. Osman, op. cit.

 

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