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 La domiciliation des entreprises à la lumière de la nouvelle loi n°89-17 modifiant et complétant la loi n°15.95 formant Code de Commerce

HAMDINI Adib

Juriste expérimenté et chercheur en droit des affaires

 

 La domiciliation des entreprises à la lumière de la nouvelle loi n°89-17 modifiant et complétant la loi n°15.95 formant Code de Commerce

 

Introduction

La domiciliation constitue l’une des solutions économiques visant la simplification de la création des entreprises à tout porteur de projet souhaitant lancer son entreprise et ce, à moindre coût.

En effet, le recours à la domiciliation permet de réduire au maximum les charges inhérentes à la location d’un local et les frais de fonctionnement de l’entreprise tout en garantissant contractuellement l’effectivité des services offerts.

La domiciliation est une alternative pour les entreprises au début de leur activité. Selon les estimations de l’Association Marocaine des Centres d’Affaires (AMCA), 72% des entreprises qui se créent à Casablanca y recourent dans leur phase de démarrage. Les entreprises domiciliées sont généralement des TPE et des PME. En moyenne, la durée de séjour varie entre 4 et 5 ans. Pour certaines activités, cette option est définitive, comme le consulting, ou encore les plombiers, les électriciens, les peintres qui n’ont pas besoin de local, tous les travaux s’effectuent sur le chantier ou le terrain et de ce fait la meilleure alternative dans de tels cas reste la domiciliation. La majorité des grandes entreprises ne dépasse pas six mois avant de disposer de leur propre local, 20 à 25% des entreprises domiciliées sont créées par des étrangers[1].

Une circulaire du Ministère de la justice n°1923 datant de 2003 comportait, entre autres, une recommandation relative à la domiciliation des entreprises, a fixé à six mois la durée de celle-ci comme durée maximale, passé ce délai, sans conclure un contrat de bail l’entreprise bénéficiaire d’une domiciliation sera exposé à une radiation du local au niveau du registre du commerce et ce, sur ordonnance du président du tribunal compétent. Toutefois, cette circulaire du Ministère de la justice sans force juridique telle que confirmé par la jurisprudence marocaine[2], ne s’applique pas d’une manière exégétique, les tribunaux en sont tolérants et il y a toujours une possibilité de prorogation de la durée de domiciliation d’entreprise et d’après les statistiques, c’est une durée largement dépassée dans 80% des cas[3].

Face à cette situation et face à une demande évolutive de plus en plus grande, le législateur marocain s’est trouvé dans l’obligation de réglementer cette activité. C’est ainsi que la loi n°89-17 complétant et modifiant la loi n°15-95 formant code de commerce a pour objectif, entre autre[4], la réglementation de la domiciliation des entreprises en vue de contribuer au rayonnement de cette activité commerciale en plein expansion.

L’examen de ce sujet nous permettra aussi bien de voir les apports de la nouvelle loi que de se pencher sur la législation française afin d’établir une approche plus au moins comparative, car le Maroc s’est toujours inspiré de l’hexagone dans la mise en place de son cadre juridique et institutionnel sans rappeler le fait que la pratique Européenne en général et française en particulier en matière de la domiciliation des entreprises connaît un large essor et un dispositif législatif et réglementaire renforcé en la matière. Sans oublier bien entendu que le Maroc bénéficie du statut avancé auprès de l’Union Européenne et s’est engagé dans un processus de convergence réglementaire notamment, en matière de droit commercial.

Ainsi, il y a lieu de s’interroger sur les principaux apports de la nouvelle loi par rapport à la domiciliation des entreprises ? Quel est le régime juridique de l’activité de domiciliation ? Quels sont les obligations du domiciliataire et du domicilié ?

En réponse à ces questions, nous allons analyser, en premier lieu, le régime juridique de la domiciliation des entreprises avant de traiter, en second lieu, les engagements réciproques du domiciliataire et du domicilié.

Chapitre I- Le régime juridique de la domiciliation des entreprises :

L’examen du régime juridique de la domiciliation des entreprises implique la détermination de la nature de l’activité (section 1) ainsi que les conditions de son exercice (section 2).

Section 1 : nature de l’activité de domiciliation :

A l’encontre de la législation française, la nouvelle loi n°89-17 notamment, son article 544-1 a défini la domiciliation d’entreprises comme étant un contrat par lequel une personne physique ou morale, dénommée domiciliataire, met le siège de son entreprise ou son siège social à la disposition d’une autre personne physique ou morale, dénommée domicilié pour y établir le siège de son entreprise ou son siège social, selon le cas.

De même l’article 544-2 prévoit que le contrat de domiciliation est conclu pour une durée déterminée renouvelable, selon un modèle fixé par voie réglementaire.

Le code de commerce français prévoit dans son article R123-168 que le contrat de domiciliation est rédigé par écrit et il est conclu pour une durée d’au moins de trois mois renouvelable par tacite reconduction, sauf préavis de résiliation. A l’instar de son homologue français, le législateur marocain ne prévoit aucune restriction au sujet de nombre de fois que le contrat peut être reconduit. Toutefois, la durée n’est pas déterminée comme il est prévu en droit français et la loi renvoie à un texte réglementaire le soin de la fixation du modèle du contrat de domiciliation.

D’après les articles précités de la nouvelle loi n°89-17, Il est constaté que le législateur marocain impose un contrat écrit, cela signifie que la relation entre le domiciliataire et le domiciliée doit faire l’objet d’un contrat en bonne et due forme et pour une durée bien déterminée. Ce contrat qui peut être qualifié de prestation de service aura pour objet principal la domiciliation du siège de l’entreprise domiciliée. Il s’agit de l’adresse administrative, commerciale et fiscale à laquelle tous les courriers seront envoyés et ce conformément aux dispositions de l’article 544-2. Bien plus qu’une simple boite aux lettres avec réexpédition de courrier, en pratique les sociétés de domiciliation offrent la possibilité de bénéficier de nombreux services complémentaires pour alléger le quotidien des chefs d’entreprise : réexpédition et numérisation du courrier, standard téléphonique avec renvoi d’appels, assistance administrative et juridique, location de salles de réunions, etc.

A notre avis, les dispositions de l’article 544-2 sont de nature à assurer une sécurité et un équilibre contractuel entre les parties contractantes. De même, la fixation d’un modèle type de contrat de domiciliation permettra d’unifier les clauses et les stipulations de ce contrat synallagmatique.

Il y a lieu de signaler, que l’activité de domiciliation a été reconnait comme étant une activité commerciale additionnée aux activités terrestres prévues par l’article 6 du code de commerce[5]. Par ailleurs, l’exercice de cette activité est bien encadré par la nouvelle loi n°89-17.

Section 2 : Conditions de l’exercice de l’activité :

 

L’exercice de l’activité de domiciliation est soumis à une simple déclaration au lieu de l’agrément exigé en droit français qui est délivré par le préfet de police[6].

Ainsi, conformément aux dispositions de l’article 544-7, toute personne physique ou morale ayant pour activité la domiciliation est tenue, avant de commencer l’exercice de cette activité, d’effectuer une déclaration, contre récépissé, auprès de l’administration compétente sous peine de son interdiction de l’immatriculation au registre du commerce et par conséquent, d’exercer d’une manière légale son activité commerciale.

Le contenu de ladite déclaration et les documents devant y être joints seront fixés par voie réglementaire, selon le même article.

En outre, le législateur exige pour l’exercice de l’activité de domiciliation, que le domiciliataire doit disposer de certains moyens et n’avoir encourue aucune sanction judiciaire :

Sous–section 1 : Condition de moyens :

Le domiciliataire doit justifier de la propriété des locaux mis à la disposition de la personne domiciliée ou du bail commercial de ces locaux. Ces locaux ne doivent pas faire l’objet d’une saisie, et si les locaux font l’objet d’un nantissement, il doit être stipulé dans le contrat de domiciliation. Cette condition est indispensable, dans la mesure où l’activité de domiciliation ne peut être exercée si le domiciliataire ne dispose pas d’un local à titre de propriétaire ou de locataire[7].

Sous–section 2 : conditions d’ordre moral :

La commission de certaines infractions et sous certaines conditions est de nature à empêcher l’exercice de l’activité de domiciliation. Selon les dispositions de l’article 544-8, il s’agit de toute décision définitive prononcée que ce soit par une juridiction nationale ou étrangère depuis moins de cinq ans qui précèdent la date de la déclaration prévue à l’article 544-7 pour l’un des crimes et délits suivants :

  1. les crimes ou délits prévus par les articles de 334 à 391 et de 505 à 574 du code pénal ;
  2. les actes de terrorisme tels que définis par le chapitre 1er bis du titre 1er du code pénal ;
  3. le blanchiment de capitaux tel que défini par la section VI bis du chapitre IX du titre I du livre III du code pénal ;
  4. l’une des infractions prévues aux articles de 721 à 724 de loi n°15-95 formant code de commerce ;
  5. les infractions à la réglementation des changes ;
  6. les infractions fiscales dont les sanctions sont prévues par l’article 192 du code général des impôts et les délits de première et deuxième classes et les infractions du première classe prévus par le code des douanes et impôts indirects.

De même, la nouvelle loi n°89-17 prévoit que le domiciliataire ne doit pas être condamné par d’une décision définitive prononçant à son encontre la déchéance commerciale et il doit être en situation régulière vis-à-vis de l’administration fiscale.

Il convient de signaler à la fin de cette première partie, que la nouvelle loi n°89-17 n’a prévue aucune restriction de nationalité. Tous investisseurs quel que soit sa nationalité pourraient exercer l’activité de domiciliation ce qui permettra l’émergence d’une concurrence structurée et le drainage des investissements étrangers. Par ailleurs, le nouveau texte prévoit des obligations aussi bien pour le domiciliataire que pour le domicilié.

Chapitre II : les engagements réciproques des parties :

Dans l’objectif de bien définir la relation entre le domiciliataire et le domicilié la nouvelle loi n°89-17 a fixé dans ses articles 544-4 et 544-6 les obligations réciproques des parties contractantes.

Section 1 : les obligations du domiciliataire :

 

Le domiciliataire est tenu des obligations suivantes :

  1. mettre à la disposition de la personne domiciliée des locaux équipés de moyens de communication et dotés d’une salle permettant la tenue des réunions, ainsi que des locaux réservés à la tenue, à la conservation et à la consultation des registres et documents prévus par la législation et la réglementation en vigueur;
  2. s’assurer de l’identité de la personne domiciliée auprès de lui en exigeant une copie de la pièce d’identité de la personne physique domiciliée ou un extrait d’immatriculation au registre du commerce ou tous autres documents remis par l’autorité administrative compétente permettant d’identifier la personne domiciliée ;
  3. conserver la documentation afférente à l’activité de l’entreprise et de procéder à sa mise à jour ;
  4. conserver les documents servant à l’identification de la personne domiciliée pendant une durée d’au moins cinq ans après la fin des relations de domiciliation ;
  5. tenir, pour chaque personne domiciliée, un dossier contenant les pièces justificatives relatives, s’agissant des personnes physiques, à leurs domiciles personnels, leurs coordonnées téléphoniques, leurs numéros de cartes d’identité, et leurs adresses électroniques, s’agissant des personnes morales, aux domiciles, coordonnées téléphoniques, numéros de cartes d’identité de leurs dirigeants, et leurs adresses électroniques. Ce dossier contient également les justificatifs relatifs à chacun des lieux d’activité des entreprises domiciliées et au lieu de conservation des documents comptables lorsqu’ils ne sont pas conservés chez le domiciliataire ;
  6. s’assurer que le domicilié a été immatriculé au registre du commerce dans les trois mois suivant la conclusion du contrat de domiciliation lorsque ladite immatriculation est exigée par les textes législatifs et réglementaires en vigueur ;
  7. fournir avant le 31 janvier de chaque année aux services des impôts, la trésorerie générale du royaume, et le cas échéant, à l’administration des douanes une liste des personnes domiciliées au titre de l’année précédente ;
  8. informer, dans un délai maximum de quinze jours de leur réception, les services des impôts, la trésorerie générale du royaume et, le cas échéant, l’administration des douanes, des plis recommandés adressés par les services fiscaux et non remis aux personnes domiciliées ;
  9. informer le greffier du tribunal compétent, les services des impôts, la trésorerie générale du royaume, et le cas échéant, l’administration des douanes de l’expiration du contrat de domiciliation ou de la résiliation anticipée de celui-ci, et ce dans un délai d’un mois à compter de la cessation du contrat ;
  10. communiquer aux huissiers de justice et aux services de recouvrement des créances publiques munis d’un titre exécutoire les renseignements leur permettant de joindre la personne domiciliée ;
  11. respecter la confidentialité des informations et données relatives à la personne domiciliée.

En cas de non-respect des obligations fixées aux paragraphes 5, 6, 7, 8 et 9, le domiciliataire est tenu solidairement responsable du paiement des impôts et taxes dus à raison de l’activité exercée par le domicilié.

Le respect de l’ensemble de ces obligations permettra, d’un côté, à l’administration de se doter de tous les données et les documents lui permettant de suivre l’activité exercée et les conséquences à caractère administrative et financière qui en découlent, et de l’autre côté, de protéger les intérêts du domiciliataire.

Section 2 : les obligations du domicilié :

 

A l’instar du domiciliataire la loi mis à la charge du domicilié les obligations suivantes :

  1. s’agissant d’une personne physique, déclarer auprès du domiciliataire tout changement relatif à son adresse personnelle et son activité, et s’il s’agit d’une personne morale, tout changement relatif à sa forme juridique, à sa dénomination, et à son objet social, ainsi qu’aux noms et aux domiciles des dirigeants et des personnes ayant reçu délégation de pouvoirs en vue d’engager la personne domiciliée vis-à-vis du domiciliataire, et de lui remettre les documents y afférents ;
  2. remettre au domiciliataire tous les registres et documents prescrits par les lois et règlements en vigueur et qui sont nécessaires à l’exécution de ses obligations ;
  3. informer le domiciliataire de tout litige éventuel ou de tout procès en relation avec son activité commerciale auquel le domicilié est partie ;
  4. informer le greffier du tribunal compétent, les services des impôts, la trésorerie générale du royaume, et le cas échéant, l’administration des douanes de la cessation du contrat de domiciliation, et ce dans un délai d’un mois à compter de l’expiration du contrat ou de la résiliation anticipée de celui-ci ;
  5. donner mandat au domiciliataire, qui l’accepte, de recevoir en son nom toutes notifications ;
  6. indiquer sa qualité de domicilié chez un domiciliataire dans toutes ses factures, lettres, bons de commande, tarifs, prospectus et autres papiers de commerce destinés aux tiers.

Le respect de ces obligations par le domicilié lui garantit une protection de ses intérêts et un engagement de la responsabilité du domiciliataire vis-à-vis de l’administration.

S’agissant des sanctions, la loi n°89-17 prévoit des amendes allant de 10 000 à 20 000 DH pour toute personne physique ou morale qui exerce l’activité de domiciliation sans déclaration à l’administration compétente.  La même amende sanctionnera tout domiciliataire qui viole les dispositions des articles 544-4 et 544-8 susmentionnés ainsi que les dispositions de l’article 42-1.Pour le domicilié, l’amende varie de 5 000 à 10 000 DH en cas de non-respect de ses obligations prévues par l’article 544-6.

Conclusion

La nouvelle réglementation de la domiciliation permettra sans doute d’une part, d’organiser cette activité compte tenu de son importance et du vide juridique qu’elle connaissait et d’autre part, de contrôler davantage cette activité. Car beaucoup de sociétés” douteuses” peuvent profiter des avantages de la domiciliation pour se livrer à des pratiques commerciales plus ou moins douteuses (Escroquerie, abus de confiance, blanchiment, corruption, faux, etc.). L’activité de domiciliation n’est donc, accordée qu’aux personnes qui remplissent un certain nombre de conditions permettant d’assurer l’honnêteté des dirigeants et le confort des clients.

Par ailleurs, L’adoption de cette réglementation de la domiciliation marque une avancée majeure au Maroc de nature à faciliter la pratique des affaires au Royaume et à favoriser le développement et l’attractivité des investissements directs étrangers notamment, les multinationales spécialisées dans la domiciliation des entreprises.

 

[1] L’économiste ; Edition n°5215 du 22/02/2018.

[2] Arrêt n°312 en date du 04 mars 2008 de la cour d’appel de commerce de Marrakech (dossier n°2007/1337).

[3]http://mca.ma/page/publications; consulté le 23-01-2019.

[4]La loi n°89-17 modifiant et complétant la loi n° 15.95 formant Code de Commerce comporte deux volets, le premier est relatif à la modification du livre I du code de commerce et ce, par la création d’un registre électronique du commerce, le deuxième complète les dispositions du code de commerce par l’ajout au niveau du livre IV relatif aux contrats commerciaux du titre VIII sur la domiciliation.

[5] Article 6 du code de commerce tel qu’il a été complété par l’article 1er de la loi n° 89-17 promulguée par le  Dahir n° 1-18-109 du 2 Joumada I 1440 (09 janvier 2019).

[6] Articles L123-22-3 et R 123-166-1 du Code de commerce français.

[7] Cette condition prévue par l’article 544-8 de la nouvelle loi n°89-17 est la même que celle prévue par d’autres législations en droit comparé notamment, le code de commerce français dans son article L123-11-3.Toutefois, l’exigence que les locaux ne doivent pas faire l’objet d’une saisie, n’est pas édicté par le législateur français. A notre avis, le législateur marocain était plus sage par rapport à son homologue français sur ce point, étant donné que cette exigence renforcera davantage la crédibilité de l’activité de domiciliation.

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