LA FUSION AU MAROC : TYPOLOGIES, MOTIVATIONS ET FISCALITE
LA FUSION AU MAROC : TYPOLOGIES, MOTIVATIONS ET FISCALITE
THE MERGER IN MOROCCO : TYPOLOGIES, MOTIVATIONS AND TAXATION
الإندماج بالمغرب : الأنواع، الدوافع والضرائب
HADDI AYOUB
Etudiant Chercheur en droit fiscal, Master MSTCF, ENCG Settat, Université Hassan 1er, Maroc
Résumé
Récemment, le monde a connu une vague importante des opérations de F&A. Cela s’explique par le fait que les entreprises cherchent, de plus en plus, la création de valeur. En fait, en décembre 2014, le montant global des opérations de F&A s’est chiffré à 3.270 milliards de dollars. Le Maroc ne semble pas en reste. Le chiffre d’affaires des transactions de F&A réalisé en 2013 a presque décuplé comparativement à 2012. En se basant sur des réflexions théoriques, le présent article tourne autour des typologies, des motivations et de la fiscalité de la fusion dans un contexte marocain. Il y a lieu d’apporter des éléments de réponse aux principales questions suivantes : Quelles sont les typologies et les motivations de la fusion ? Quel est le cadre fiscal régissant la fusion ? et quelles sont les interférences entre la restructuration par fusion et l’optimisation fiscale ?
Mots clés : Fusion, Fiscalité, Optimisation fiscale, Gestion fiscale.
Abstract
Recently, the world has seen a significant wave of M&A deals. This is due to the fact that companies are increasingly looking for value creation. In fact, in December 2014, the global value of M&A deals reached 3,270 billion dollars. Morocco does not seem to be outdone. The turnover of M&A transactions in 2013 was almost tenfold higher than in 2012. Based on theoretical reflections, this article focuses on the typologies, motivations and taxation of mergers in a Moroccan context. The main questions to be answered are as follows: What are the typologies and motivations of mergers? What is the tax framework governing the merger? and what are the interferences between restructuring by merger and tax optimization?
Keywords: Merger, Taxation, Tax optimization, Tax management.
ملخص
شهد العالم مؤخرًا موجة كبيرة من صفقات الاندماج. ويرجع ذلك إلى أن الشركات تبحث بشكل متزايد عن خلق قيمة مضافة. في دجنبر 2014 ٬ بلغت القيمة العالمية لصفقات الاندماج 3.270 مليار دولار. في سنة 2013 تضاعف حجم معاملات الاندماج في المغرب بعشرة أضعاف تقريبًا مقارنة مع سنة 2012. بناء على تيارات نظرية ٬تتمحور هذه المقالة حول تصنيفات ٬ دوافع و ضرائب الإندماج في السياق المغربي٬ و تجيب على الأسئلة التالية : ما هي أنواع ودوافع الاندماج؟ ما هو الإطار الضريبي الذي يؤطر الاندماج؟ وما هي التداخلات بين الاندماج والتحسين الضريبي؟
. الكلمات المحورية : الاندماج٬ الضرائب٬ التحسين الضريبي٬ التدبير الضريبي
Introduction
Depuis peu de temps, le monde a connu une vague importante des opérations de restructurations. En ce sens, « l’analyse historique des opérations de F&A au niveau mondial et régional, montre toute l’importance que prennent ces opérations, tant en nombre qu’en volume » (El Maguiri, 2016). En fait, en décembre 2014, le montant global des opérations de F&A s’est chiffré à 3.270 milliards de dollars avec une variation de 40% comparativement à 2013.
Le Maroc ne semble pas en reste. Selon le Wall Street Journal, le chiffre d’affaires des transactions de F&A réalisé en 2013 a presque décuplé comparativement à 2012, une année marquée par l’avènement de plusieurs fusions. Il s’agit de Unimer avec Consernor, de Risma avec Fastotel, de CFG Group avec Dar Tawfir et de Holcim Maroc avec Holcim AOZ.
En effet, le législateur fiscal marocain n’a pas cessé, à travers ses reformes, de s’harmonier avec les nouvelles pratiques des entreprises tout en consolidant le climat d’affaires (Doing Business) et en proposant des règles fiscales, de plus en plus, souples, équitables et incitatives.
La première réforme a été instituée dans les années 80 et a fait naissance à trois impôts synthétiques, à savoir la TVA, l’IS et l’IR. La deuxième en 2004 relative aux droits d’enregistrement. La troisième en 2005 inhérente à l’avènement du livre des procédures fiscales. La quatrième en 2006 intrinsèque au livre d’assiette et du recouvrement fiscal. La cinquième en 2007 et qui a mis en place un seul code régissant tous les impôts et les taxes de l’Etat et une autre loi régissant tous les impôts et taxes des collectivités territoriales (Loi 47-06).
Les assises, pièce angulaire du présent système fiscal, ont toujours recommandé l’idée d’un système qui va au pair avec les nouvelles pratiques économiques et comptables de l’entreprise marocaine.
L’objectif de cet article est de :
- Révéler les typologies et les motivations de la fusion ;
- Mettre en exergue le cadre fiscal de la fusion ;
- Mettre en lumière les interférences entre la fiscalité de la fusion et l’optimisation fiscale.
Il s’agit donc de répondre aux questions suivantes :
Quelles sont les typologies et les motivations de la fusion ? Quel est le cadre fiscal régissant la fusion ? et quelles sont les interférences entre la restructuration par fusion et l’optimisation fiscale ?
Pour répondre à notre problématique, notre travail s’articule autour de trois sections. Dans la première section, nous présenterons la définition, les typologies et les motivations de la fusion en nous basant sur des courants théoriques. Dans la deuxième section, nous mettrons en exergue le cadre fiscal de la fusion. Enfin, nous développerons les interférences entre la fusion et la question de l’optimisation fiscale.
- Définitions, typologies et motivations de la fusion
- Définitions et Typologies
La fusion peut être définie comme une opération par laquelle, deux ou plusieurs entreprises mettent en commun leurs patrimoines pour former une seule et unique entreprise. Une opération de fusion peut entrainer la disparition de toutes les sociétés y participant au profit de la création d’une nouvelle entreprise. On parle dans ce cas d’une fusion réunion. De même, la fusion peut être réalisée à travers une prise de contrôle d’une entreprise existante sur une ou plusieurs autres entreprises, on parle alors de fusion absorption ou fusion acquisition (El Maguiri, 2016).
Le droit des affaires marocain précise que « la fusion entraîne la dissolution sans liquidation de la société qui disparaît et la transmission universelle de son patrimoine à la société bénéficiaire, dans l’état où il se trouve à la date de la réalisation définitive de l’opération. La scission entraîne la transmission universelle de la partie scindée du patrimoine social, soit à la société nouvelle constituée simultanément, soit au cas de scission-fusion, à la société absorbante » (Article 224 de la loi 17-95).
Près de ces typologies juridiques, la littérature a confirmé qu’on peut appréhender la fusion d’un côté économique. Mucchielli et Kohler (2000), cité par Jean-Paul Méreau et même A. Ben Fadhel (2004), cité par El Maguiri ont distingué trois typologies économiques de la fusion. La fusion horizontale : c’est le regroupement de deux entreprises fournissant le même type de bien. La fusion verticale : les deux entreprises, qui se regroupent, ont des relations clients fournisseurs. La fusion conglomérale : c’est le regroupement de deux entreprises qui fournissent des biens différents.
- Motivations de la fusion
L’analyse théorique révèle que la fusion trouve ses fondements et sa légitimité dans de multiples courants, à savoir la théorie de l’efficience, la théorie des coûts de transaction et la théorie de l’agence.
- La théorie de l’efficience
La théorie de l’efficience nous enseigne que le dirigeant cherche ultimement la création de valeur. En outre, elle confirme que les objectifs des acquisitions sont les effets de synergie qui se définit comme une « une augmentation de la valeur suite à une meilleure gestion efficace des moyens de production en cas de regroupement d’entreprises » (Baghar, Kaissi et El Kabbouri, 2018).
- La théorie des coûts de transaction
En se penchant sur les travaux de Williamson, Durand et Gomez (2001), cité par Jean-Paul Méreau, ont affirmé que la fusion de deux firmes séparées, pourrait faire naissance à des économies d’échelle à travers la réduction des coûts d’administration liés à la coordination des activités précédemment séparées.
Dans le cadre d’une acquisition verticale, l’objectif de l’opération peut être de réduire les coûts de transaction pour des raisons de sécurité et de contrôle des transactions et pour conserver une certaine indépendance vis à vis des partenaires (Mathé, 2001, cité par Jean-Paul Méreau).
- La théorie de l’agence
Cette théorie trouve son ampleur dans l’idée que la relation entre le dirigeant et l’actionnaire est conflictuelle dans la mesure où chacun d’eux cherche la maximisation de ses intérêts au détriment de l’autre. Cette approche explique que les acquisitions soient un des moyens pour résoudre ce type de conflit, puisque le changement d’actionnaires risque d’entraîner une modification des équipes de direction et rétablir une gestion plus en phase avec l’intérêt des actionnaires (Nussenbaum, 1999, cité par Jean-Paul Méreau)
- Cadre fiscal de la fusion
La fusion est encadrée par le code général des impôts régissant la fiscalité d’Etat, ainsi que la loi 47-06 régissant la fiscalité des collectivités territoriales. A ce propos, les textes fiscaux qui régissent ces opérations remontent à 1986 (Errida, 2008).
- Dispositions fiscales en matière d’IS
En matière d’IS, le paysage fiscal, révèle deux régimes : le premier de droit commun et le deuxième particulier, dit de faveur. En régime de droit commun, la fusion est considérée comme une dissolution (Sans liquidation) de la société absorbée. Ladite société est imposable en matière du résultat fiscal réalisé durant l’exercice de la fusion, des plus-values résultant du transfert d’actif, des provisions déduites (En vue de les neutraliser) et des stocks. Chez l’absorbante, la prime de fusion (Valeur réelle des titres – Valeur comptable des titres) fait aussi l’objet d’une imposition. Les déficits, quant à eux, peuvent être imputés. A contrario, le deuxième régime (Particulier) est incitatif dans la mesure où il présente plusieurs avantages fiscaux, l’article 162 du C.G.I stipule que les plus-values, résultant du transfert d’actif, ne sont pas, immédiatement, imposées. La prime de fusion, les provisions et les stocks, quant à eux, ne connaissent aucune imposition. Ce cadeau fiscal est sous réserve de quelques conditions, entre autres, le dépôt de l’acte de fusion, de l’état récapitulatif des éléments apportés, d’un autre état relatant les provisions figurant dans le passif de l’absorbée et le payement spontané de l’impôt afférant aux biens ayant profité du sursis fiscal. Notons que le régime particulier ne donne pas le droit d’imputer les déficits.
- Dispositions fiscales en matière de TVA
Pour ce qui est de TVA, le montant inscrit au bilan de la société absorbée doit faire l’objet d’un transfert au bilan de la société absorbante (Article 105 du CGI).
- Dispositions fiscales en matière de DE
Concernant les droits d’enregistrement, ils sont payés sur les apports avec un taux de 1% et sur la dissolution de l’absorbée avec un montant de 200 dirhams. Les droits de mutation relatifs à la prise en charge du passif bénéficient, en effet, d’une carotte fiscale (Article 162 du CGI).
- Dispositions fiscales en matière de TP
Par rapport à la fiscalité territoriale, l’article 16 relatif à la taxe professionnelle précise qu’ « en cas de cession, cessation, transfert d’activité ou transformation de la forme juridique de l’établissement, les redevables doivent, dans un délai de quarante-cinq (45) jours, à compter de la date de la réalisation de l’un de ces événements, souscrire une déclaration auprès du service local des impôts du lieu de situation de leur siège social, leur principal établissement ou leur domicile fiscal ».
- Interférences entre la fusion et l’optimisation fiscale
Le droit comptable et le droit fiscal marocains proposent aux entreprises plusieurs options et choix, entre autres, le choix du régime de TVA (Encaissement ou débit), du régime d’IR (RNR, RNS, etc), des méthodes des contrats à termes (avancement, achèvement, etc.), des amortissements (linéaire ou dégressif), du régime de la fusion, etc.
Certes, cette malléabilité du texte fait naissance à des montages fiscaux complexes, qui se font, dans une perspective d’optimisation fiscale.
L’optimisation fiscale ou l’ingénierie fiscale se définit comme l’ensemble des montages fiscaux faits par l’entreprise en vue de diminuer le coût fiscal sans violer la loi. En fait, « elle constitue en quelque sorte la zone grise comprise entre la fraude et l’évasion fiscale » (Buzelay, 2015 cité par Larachi). Ce qui distingue l’optimisation fiscale de l’évasion fiscale est le concept de bonne foi. L’optimisation fiscale est alors vue comme de la planification relevant à part entière d’une stratégie menée par des personnes de bonne foi (Buzelay, 2015).
En marchant sur le sillage des régimes fiscaux de la fusion, le choix du premier régime ou du deuxième est une tâche qui suppose une étude fiscale approfondie mêlant plusieurs variables (déficits fiscaux, actifs…). Sur ce, l’optimisation de l’efficience fiscale et la réduction au minimum des risques fiscaux potentiels sont essentielles à la réussite des opérations qui visent une acquisition, un désinvestissement, un financement, une réorganisation ou une restructuration (Osler, Hoskin et Harcourt 2020). En fait, On ne peut pas privilégier un régime par rapport à un autre, parce que cela dépend de la structure de l’apport (Errida, 2008). En 1999, Hdid a précisé qu’« entre le choix d’être imposé immédiatement après l’acte de fusion et d’étaler l’imposition sur dix années, c’est le deuxième qui s’avère incitatif ». A ce propos, les fusions peuvent être motivées par des raisons fiscales dans la mesure où il est possible, sous certaines conditions, de bénéficier des déficits fiscaux de la société cible (Nussenbaum 1999 ; Bodie et Merton 2002 ; La Revue Fiduciaire 2007, cité par Jean-Paul Méreau).
La gestion fiscale des fusions repose ainsi en grande partie sur l’efficience fiscale des opérations (Hachana, Ezzeddine et Ennefzi 2004). En plus, pour une bonne optimisation fiscale, les sociétés fusionnées doivent impérativement assumer les conséquences de leur choix en matière de déclaration et en matière d’imposition (Errida, 2008).
Conclusion
Le présent article nous a permis de présenter plusieurs définitions, typologies de la fusion ainsi que de nombreuses réflexions théoriques sur ce sujet, notamment la théorie de l’efficience, la théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction. En effet, il apparait que la fusion n’a pas une seule définition ou typologie et les auteurs présentent leurs propres définitions au gré de plusieurs variables. Les théories que nous avons exposées convergent toutes vers l’idée que la motivation fondamentale derrière les opérations de la fusion est la création de valeur. En outre, il apparait que le cadre fiscal de la fusion au Maroc est exhaustif que ce soit en matière d’IS, de TVA, des DE et de TP. Aussi, il est souple dans la mesure où il offre aux entreprises plusieurs opportunités d’optimisation fiscale.
Bibliographie
Thèses et Mémoires :
BAGHAR N, KAISS S & EL KABBOURI M. (2018). Le lien en la création de valeur et le goodwill. Revue de consolidation comptable et management de performance. Article, 5.
EL MAGUIRI I. (2016). La gestion du résultat dans les opérations fusions acquisitions. Thèse
de doctorat, 09-33, Groupe ISCAE.
ERRIDA. (2008). Fusion : Quel régime fiscal choisir ? L’Economiste | Edition N° :2873 Le 03/10/2008.
HACHANA S, EZZEDDINE A & ENNEFZI A. (2004). Le régime fiscal des fusions. Mémoire, 02, ISCAE Tunisie.
Jean-Paul Méreaux. (2001). Fusions-acquisitions et systèmes comptables : une approche typologique acculturative. Economies et finances. Conservatoire national des arts et métiers – CNAM, 34–42.
LARACHI S. (2015). Les stratégies d’optimisation fiscale des entreprises multinationales : Identification et ripostes. Mémoire, 19, LSM, Belgique.
OSLER, HOSKIN & HARCOURT. (2020). Fiscalité – Fusions et acquisitions, financements, réorganisations de sociétés et restructurations, 1.
HDID. (1999). Analyse fiscale : Les deux régimes de la fusion ? L’Economiste Edition N° :461 Le 11/03/199.
Textes de loi
Article 105 du Code générale des impôts du Maroc version 2020.
Article 106 du Code générale des impôts version du Maroc 2020.
Article 162 du Code générale des impôts version du Maroc 2020.
Article 16 de La loi 47-06.
Article 224 de la loi 17-95.