la procédure et les effets du recours en annulation de la sentence arbitrale en Droit Marocain
Article sur : la procédure et les effets du recours en annulation de la sentence arbitrale en Droit Marocain.
Réalisé par : lhoussaine OUHSSAINE
Doctorant en Droit privé à la faculté de Droit ain sbaa,
Casablanca
Introduction
Le développement du commerce international a mis fin aux barrières entre les peuples, les marchés, les capitaux, les marchandises mais aussi les actes juridictionnels. En effet, par le biais de la mondialisation, de nombreux contentieux économiques opposant des sociétés ou des individus d’horizon différents et de culture juridique différente, ont vu le jour.
L’Etat, par le biais de l’institution judiciaire, devrait être, le garant de la justice, de l’équité et, partant, de la paix sociale. Mais les juridictions étatiques n’arrivent plus à satisfaire les justiciables et ce à cause des procédures plus langues et des conditions défavorisant la justice et le règlement étanche des litiges.
De ce fait, les parties au litige préfèrent recourir aux règlements des litiges d’une manière pacifique par le biais de l’arbitrage, par conséquent elles préservent leur relations commerciales ainsi que trancher leur différents dans un délai convenables.
Après que la sentence tranchant le litige soit rendue, ladite sentence peut parfois faire l’objet d’un recours en annulation de la part de la partie estimant avoir été lésée par le rendu de l’instance. Cependant, le recours en annulation est une procédure, et comme toute procédure, elle est soumise à des règles pouvant affecter sa validé en cas de violation. Si l’arbitrage reste d’usage universel, les règles qui régissent le recours en annulation restent d’une part à la discrétion du législateur étatique pour les sentences internes.
En droit Marocain, pour annuler une sentence arbitrale, la compétence de statuer sur l’annulation est conférée à la cours d’appel du lieu où cette sentence a été rendue, au lieu de donner cette compétence au tribunal de première instance. Etant donné que l’organisation judicaire Marocain connait le deuxième degré de juridiction.
-Pourquoi la similitude entre le tribunal arbitral et les tribunaux de première instance en matière de compétence ?
-L’effet du recours en annulation est-il uniquement suspensif ?
– Quelle est l’incidence du recours en annulation sur la sentence arbitrale ?
Pour répondre à ces interrogation, il faut que les conditions d’exercer le recours en annulation soient remplies et que le recourant serait tenu de suivre une procédure pour demander l’annulation de la sentence devant la juridiction compétente pour que ce recours soit recevable. A l’occasion de l’exercice de ce recours, plusieurs effets s’engendrent.
Le législateur prévoit le recours en annulation dans l’article 327-36 de la loi 08-05 réglementant l’arbitrage et la médiation conventionnelle.
Pour mettre en exergue la particularité du recours en annulation de la sentence arbitrale il convient de traiter les points suivants :
- La compétence en matière de recours en annulation
- les incidents du recours sur la sentence arbitrale
Plan
- : l’exercice du recours en annulation
Paragraphe 1 : la compétence d’exercer le recours
Paragraphe 2 : le délai du recours en annulation
- : les effets du recours en annulation de la sentence arbitrale
Paragraphe1 : la suspension de l’exécution de plein droit
Paragraphe2 : La suspension fondée sur la demande
I : la procédure du recours
Le régime procédural du recours en annulation est considéré un élément essentiel pour demander l’annulation d’une sentence arbitrale, car la sentence arbitrale exige un respect rigoureux de la procédure pour qu’elle soit annulée. Le suivi de cette procédure exige également un délai légal et devant une juridiction compétente en matière de l’annulation.
Paragraphe 1 : la compétence d’exercer le recours
La compétence avec ses différents types se considère comme une question juridique complexe, elle pose plusieurs problèmes en matière de procédure devant les juridictions.
En effet, La compétence de statuer sur le recours en annulation de la sentence arbitrale connait deux aspects, l’un qui est lui spécifique et l’autre général dans lequel le recours aux règles générales de la compétence sera exigé.
La compétence territoriale
Concernant la compétence territoriale, l’analyse de l’esprit de la loi devrait conduire à l’attribuer à la cour d’appel dans le ressort de laquelle se situe la juridiction du premier degré qui aurait connu de l’affaire s’il n’y avait pas eu de convention d’arbitrage.
Il conviendrait par conséquent de lui appliquer, en matière de compétence rationneloi, la solution prescrite par le législateur concernant les deux autres voies de recours pouvant être exercées à l’encontre de la sentence arbitrale, à savoir la rétractation et la tierce opposition[1].
Toutefois, le législateur n’a pas jugé opportun de suivre le raisonnement précité, et a préféré conférer la compétence territoriale, de manière expresse, à la cour d’appel dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale a été rendue.
Précisons par ailleurs que la même règle a été retenue en matière d’arbitrage international, un auteur en a déduit, à bon droit, que « le législateur marocain n’a permis d’exercer le recours en annulation qu’à l’encontre des sentences arbitrales internationales rendues au Maroc. Si elles ont été rendues à l’étranger, elles ne sont donc pas susceptibles de recours en annulation au Maroc [2]».
A la vérité, la loi 08-05, qui a inséré cet article au sein du CPC, s’est contenté de formaliser la construction jurisprudentielle antérieure à son adoption. La revue des décisions qui s’étaient prononcées à ce sujet sous l’empire de l’ancienne réglementation relative à l’arbitrage révèle en effet que la jurisprudence marocaine était orientée en ce sens, même si elle se fondait sur une assise textuelle différente, en l’occurrence la convention de New York. L’on peut ainsi lire sous la plume des magistrats de la cour d’appel de commerce de Casablanca : « la compétence pour connaitre de la demande d’annulation d’une sentence arbitrale internationale appartient à l’Etat dans le ressort duquel ladite sentence a été rendue, et ceci conformément à la convention de New Yourk qui prévaut sur la législation nationale, ce qui rend inapplicables les dispositions des articles 306 et suivant du CPC[3] ».
A cet égard, la cour de cassation Marocaine [4]a précisé que les règles de la compétence territoriale sont soumises à la volonté des parties. Autrement dit : les parties ont le droit de se mettre d’accord sur le lieu où la sentence sera rendue. Mais il se peut qu’une sentence arbitrale s’observe par l’inexistence de cette condition ni aucune mention prouvant le lieu où elle a été rendue, dans un tel cas une autre jurisprudence affirme que le lieu est celui où l’ordonnance de l’exéquatur a été rendu[5].
Compétence d’attribution
A s’en tenir à la lettre des articles précités, le recours en annulation exercé contre la sentence arbitrale interne devrait être porté devant la première juridiction. D’aucuns pourraient en revanche soutenir qu’il convient d’attribuer compétence aux cours d’appel de commerce, en prenant notamment appui sur l’article 312 qui prescrit qu’il faut entendre par « le président de la juridiction »[6], le président du tribunal de commerce.
Nous sommes d’avis qu’il faudrait plutôt privilégier la position médiane, en ayant égard à la nature du différend tranché par le tribunal arbitral, et identifier ainsi la juridiction qui aurait été compétente, s’il n’y avait pas eu de convention d’arbitrage.
La nature du litige commandera, dès lors, en ce qui a trait au recours en annulation, de saisir la cour d’appel – prise dans son acception générale, à savoir la juridiction du second degré compétente pour statuer sur les appels formés à l’encontre des jugements des tribunaux civils ou sociaux – ou la cour d’appel de commerce, voire la cour d’appel administrative[7],au regard des dispositions légales régissant la compétence en raison de la matière ainsi que des applications jurisprudentielles.
A ce niveau la jurisprudence précise également que selon la nature de l’affaire, cela veut dire que la cour d’appel de commerce est compétente si la nature de l’affaire est commerciale, de même que la cour d’appel administrative si la nature du litige est administrative[8]. Il faut préciser par ailleurs que cette compétence est d’ordre public, la juridiction soulève sa violation d’office surtout en matière administrative.
La situation est différente en matière d’arbitrage international. La combinaison des articles 327-46, 327-49, 273-50, 327-51, 327-52[9] de la loi 08-05 commande d’attribuer la compétence à la cour d’appel de commerce, et ceci en adoptant un raisonnement par analogie.
Observons tout d’abord que l’article 327-46 accorde au président de la juridiction commerciale compétente le pouvoir de revêtir la sentence arbitrale internationale de l’exequatur. L’appel de cette ordonnance ne saurait de ce fait être soumis qu’à la cour d’appel de commerce, quand bien même l’article 327-50 ne fait état que de la cour d’appel d’une manière générale.
Force est de connaitre qu’en l’absence d’une disposition expresse conférant la compétence – pour connaitre des recours en annulation exercés à l’encontre des sentences arbitrales internationales – aux cours d’appel de commerce, il n’est guère exclu que les juridictions marocaines s’en tiennent à la lettre de l’article 327-52 de la loi 08-05, ou qu’elles se réfèrent à la nature du litige pour déterminer la juridiction d’appel compétente pour statuer sur le recours précité.
Soulignons enfin que dans un souci de célérité, l’article 327-36 de la loi 08-05dispose : « la cour d’appel statue selon la procédure d’urgence ». Contrairement à l’impression qui se dégage de cet article, lequel édicte de manière péremptoire un devoir mis à la charge des conseillers de la cour d’appel, l’aspect contraignant de cette règle n’est en vérité qu’un leurre.
La pratique judiciaire démontre en effet que des « obligations »similaires, imposées aux magistrats dans d’autres contextes, ne sont que rarement respectées lorsque nulle sanction n’y est attachée. L’encombrement des tribunaux prend alors le pas, et l’instance qui devait se dérouler avec célérité dégénère en une procédure ordinaire, et devient aussi fastidieuse que cette dernière.
A ce niveau la cour d’appel de commerce de Marrakech dans un arrêt rendu le 5/2/2015 affirme que la cour d’appel qui reste uniquement l’organe compétent pour trancher la question de l’annulation de la sentence arbitrale et même elle peut déterminer la loi applicable au litige[10].
Paragraphe 2 : le délai du recours en annulation
L’article 327-36 de la loi 08-05 prévoit dans son paragraphe 2 que « le recours en annulation est recevable dès le prononcé de la sentence ; il cesse de l’être s’il n’a pas été exercé dans les quinze jours de la notification de la sentence revêtue de l’exequatur ». Et les mêmes dispositions prévues par l’article 327-52 concernant la sentence arbitrale internationale. D’après ces deux textes, le délai du recours en annulation d’une sentence arbitrale nationale ou internationale est unique. Mais pour mettre en exergue ce délai, il convient d’étudier la date à laquelle il commence à courir et sa nature juridique.
La nature de délai du recours
Conformément à la règle générale procédurale, le délai des recours demeure un délai de forclusion. Dans le cas où le prétendant n’en exerce pas dans le délai légal, il sera déchu définitivement de son droit quoiqu’ils en soient les motifs dudit recours.
Le recours en annulation d’une sentence arbitrale soumis également à ce principe de forclusion dans le cas de son exercice hors le délai fixé par la loi.
Ce délai engendre plusieurs effets :
- Le délai de forclusion n’est pas susceptible d’être suspendu ni interrompu ce qui n’est pas le cas pour le délai de prescription.
Le délai de forclusion peut être nommé parfois «délai de déchéance» mais ce rapprochement est justifié. La forclusion est normalement définie comme une sanction pour défaut d’accomplissement dans un délai déterminé d’une formalité : le titulaire du droit qui est forclos ne peut alors plus accomplir cette formalité.
La déchéance quant à elle est la perte d’un droit résultant d’une indignité, incapacité, fraude… Ainsi, le seul élément qui distingue la forclusion de la déchéance est le temps. La forclusion n’est qu’une forme particulière de déchéance pour écoulement du temps, elle correspond à l’introduction du temps dans le concept de déchéance. Le délai de forclusion est animé par l’idée de sanctionner un comportement peu diligent[11].
Cependant, le législateur prévoit que le recours en annulation est susceptible d’être suspendu et ce dans l’article 327-30 qui annonce que « La demande en vue de rectifier ou d’interpréter la sentence suspend l’exécution et les délais de recours jusqu’à la notification de la sentence rectificative ou interprétative »
- Le délai de forclusion est d’ordre public, le tribunal contrôle et soulève d’office cette irrégularité sans qu’elle ne soit pas demandée par les parties[12], ces dernières peuvent également soulever la déchéance de ce délai durant toutes l’instance sans être restreintes par les dispositions de l’article 49 CPC.
Dans ce cas si le recours est exercé hors le délai légal le tribunal doit annoncer le rejet de la demande et non pas l’irrecevabilité de la demande. Comparativement au délai de prescription qui n’est pas d’ordre public, donc le tribunal n’en soulève pas d’office mais à la diligence de celui qui en a intérêts.
II : les effets du recours en annulation de la sentence arbitrale
Il est incontestable que les sentences arbitrales acquièrent la force de la chose jugée dès qu’elles soient prononcées, sauf dans le cas d’une sentence arbitrale dont l’une de ses parties est une personne de droit public qui doit être revêtue de l’exequatur pour acquérir cette force.
Mais dès que le recours en annulation est exercé, l’exécution de la sentence sera suspendue. Cette suspension peut être se fait soit de plein droit (paragraphe1) comme elle peut être également avoir lieu sur la demande de la partie qui en a l’intérêt.
Paragraphe1 : la suspension de l’exécution de plein droit
En matière d’arbitrage interne, le législateur Marocain prévoit dans le paragraphe 7 de L’article 327-36 CPC que le délai durant lequel le recourant exerce le recours en
annulation suspend l’exécution de la sentence arbitrale. Et il ajoute également dans le même article que Le recours exercé dans le délai est également suspensif.
L’article 327-53 relatif à l’arbitrage international affirme que les mêmes dispositions de l’article précité s’appliquent également au recours contre une sentence internationale. Toutefois, il précise que si la décision du tribunal arbitral est assortie de l’exécution provisoire, l’exercice du recours en annulation ne suspend pas l’exécution de la sentence arbitrale internationale ; l’opportunité de prononcer le sursis relèvera dans ce cas du pouvoir discrétionnaire de la juridiction d’appel.
Plusieurs auteurs soutiennent que cette exception à l’effet suspensif du recours en annulation vaut également pour les sentences internes revêtues de l’exécution provisoire[13].
Ils relèvent ainsi, à juste titre, que par dérogation à la règle selon laquelle il ne peut être procédé à l’exécution de la sentence arbitrale tant que le délai pour former un recours en annulation n’est pas écoulé, l’article 327-26 CPC al 3 prévoit que « Les règles sur l’exécution provisoire des jugements sont applicables aux sentences arbitrales pour lesquelles l’exequatur n’est pas exigible ». De ce fait, il convient de juger que les textes précités ont conféré au recours en annulation son effet suspensif de plein droit de la sentence attaquée.
Le recours en annulation ne saurait non plus suspendre l’exécution de cette sentence ; il convient pour ce faire de mettre en œuvre la procédure de défense à exécution provisoire prévue par l’article 147 CPC[14].
La Cour d’appel de paris adopte la même position. Elle a en effet décidé que « le recours en annulation contre la sentence arbitrale dès lors qu’elle est assortie de l’exécution provisoire, n’a pas pour effet de paralyser les effets de l’ordonnance d’exequatur, peu important que cette ordonnance ne soit pas elle-même assortie de l’exécution provisoire »[15]
Signalons par ailleurs un autre effet, découlant de l’exercice du recours en annulation. Il est annoncé par les articles 327-32 et 327-51 relatif respectivement à l’arbitrage interne et international –après avoir posé le principe selon lequel l’ordonnance qui accorde l’exequatur n’est susceptible d’aucun recours – que le recours en annulation emporte de plein droit dans les limites de la saisine de la cour d’appel du recours contre l’ordonnance d’exequatur, ou dessaisissement immédiat du président de la juridiction au cas où il n’aurait pas encore rendu son ordonnance.
Le législateur marocain assimile le recours en annulation à l’appel surtout dans l’effet suspensif, et que le législateur français prévoit les mêmes effets à ce recours car il annonce dans l’article 1486 CPC.F, que « Ces recours sont recevables dès le prononcé de la sentence ; ils cessent de l’être s’ils n’ont pas été exercés dans le mois de la signification de la sentence revêtue de l’exequatur.
Le délai pour exercer ces recours suspend l’exécution de la sentence arbitrale. Le recours exercé dans le délai est également suspensif ».
A cet égard, un courant doctrinal en France déclare l’obligation d’éliminer l’effet suspensif de plein droit en faveur du recours en annulation en conférant à la juridiction compétente le pouvoir de suspendre dans le cas de l’existence d’une justification16[16]. Il faut noter que Les dispositions qui s’appliquent à l’ordonnance de l’exequatur s’appliquent également au jugement du tribunal administratif compétent pour conférer l’exequatur aux sentences arbitrales dont l’une des parties est personne morale de droit public, conformément à l’article 327-26 CPC qui fait renvoie aux effets prévus par l’article 327-32 et suivant du même code.
On peut déduire, que l’effet suspensif du recours en annulation des sentences arbitrales influence de plein droit sur la force exécutoire de la sentence arbitrale nationale ou internationale.
A cet égard, La jurisprudence marocaine affirme que la rectification de la sentence arbitrale interne suspend du plein droit l’exécution de ladite sentence conformément à l’article 327-30[17].
En revanche, le recourant peut poursuivre une autre procédure pour suspendre l’exécution, car ce principe de l’effet suspensif de plein droit des recours ne s’applique pas sur les décisions relevant d’une exécution provisoire conformément aux règles générales[18], mais la suspension de l’exécution se fonde dans ce cas sur une demande de l’intéressé en remplissant un certain nombre de conditions.
Paragraphe2 : La suspension fondée sur la demande
La question de l’exécution provisoire sera posée dès que la décision est susceptible d’être attaquée par un recours ayant l’effet suspensif.
Le législateur marocain dans le dernier paragraphe de l’article 327-36 de la loi 08-05 précise que Les règles sur l’exécution provisoire des jugements sont applicables aux sentences arbitrales pour lesquelles l’exequatur n’est pas exigible.
Ce texte indique expressément que les sentences arbitrales bénéficient de l’exécution provisoire, mais une ambigüité demeure dans le fait que le législateur ajoute la condition que ces sentences ne soient pas exigibles d’être revêtues de l’exequatur. Cette condition porte un problème qui réside dans la distinction entre les sentences arbitrales dont l’exequatur est exigible et celles dont l’exequatur n’est pas exigible et cela vient de l’absence d’un texte qui en prévoit d’une manière rigoureuse.
Comparativement au législateur français qui prévoit sans aucune ambigüité que les règles sur l’exécution provisoire sont applicables à la sentence arbitrale[19].
Pour mettre en exergue les règles sur l’exécution provisoire, il est nécessaire de mettre l’accent sur l’article 147 du CPC qui constitue une règle générale de cette exécution, il prévoit d’une manière détaillée la suspension devant la juridiction statuant sur l’appel et l’opposition.
Dès que la juridiction qui statue sur l’appel est la même celle qui est compétente pour statuer sur le recours en annulation et que l’article 327-26 fait renvoie à l’article 147 d’une manière assez tacite, alors que la suspension de l’exécution d’une sentence arbitrale peut être se faite sur une demande de l’intéressé devant la juridiction de l’annulation[20].
Il convient de noter à ce niveau que la sentence arbitrale ne peut faire l’objet d’une exécution forcée que par une ordonnance qui en ordonne l’exequatur.
Relativement à l’arbitrage international, l’article 327-53 dispose « Le recours exercé dans le délai est également suspensif, à moins que la sentence arbitrale ne soit assortie de l’exécution provisoire. Dans ce cas, l’autorité qui examine le recours peut surseoir à l’exécution si elle le juge justifié. »
D’après ce texte, le législateur confère à la juridiction compétente le pouvoir de suspendre l’exécution de la sentence. Mais est ce que cette suspension doit être faite sur demande ? Ou la juridiction peut en suspendre d’office lors d’existence d’une justification ?
En fait, la juridiction n’intervient pas d’office pour protéger les intérêts des particuliers car cela parait contre le principe de la neutralité qui doit être respecté, alors que cette suspension se faite sur demande de celui qui en a l’intérêt.
Alors que les dispositions applicables sont celle de l’article 147 tel que la cour suprême affirme dans son arrêt rendu le 29/04/1991[21].
Pour demander la suspension de l’exécution, conformément aux règles générales, d’une part il faut remplir les conditions générales qui sont : la capacité, la qualité et l’intérêt[22] de même que payer la taxe judiciaire[23]. D’autre part, cette demande est soumise à un certain nombre de conditions spécifiques :
* Premièrement, il faut que l’exécution n’ait pas eu lieu avant la présentation de la demande. Vue la complexité et la pluralité des procédures, l’opération d’exécution a
toujours besoin d’une durée assez longue pour qu’elle soit effectuée[24]. Or, dans le cas où l’exécution est achevée, la demande n’arrivera point à atteindre son objectif et il sera sans effet.
* Deuxièmement, il faut que le recours en annulation soit exercé pour présenter la demande de la suspension de l’exécution provisoire de la décision attaquée, car il n’est pas possible de demander la suspension de l’exécution tant que le recours contre ladite décision n’a pas été exercé. Cela a été annoncé par le troisième paragraphe de l’article 147 CPC qui dispose que « Toutefois, des défenses à exécution provisoire peuvent être formées par requête distincte de l’action principale, devant la juridiction saisie, soit de l’opposition, soit de l’appel .»
Ces conditions doivent être remplies pour que la demande de la suspension d’exécution soit recevable, mais certains auteurs ajoutent deux autres conditions qui sont : l’élément de l’urgence et la pondération de la nullité de la décision attaquée[25].
Après sa saisine, la juridiction compétente statue sur la demande devant la chambre de conseil. Et ce dans le délai de trente jours, ainsi qu’elle a le pouvoir soit de rejeter la demande, soit faire défense d’exécuter jusqu’à la décision sur le fond, soit ordonner qu’il sera sursis à l’exécution pendant un temps qu’elle fixe ou que l’exécution provisoire ne sera poursuivie pour la totalité ou pour partie seulement de la condamnation qu’à charge par le demandeur à l’exécution de fournir un cautionnement26.
Références
- BOULAALAF, Abdallah BOULAALF, Le recours en annulation d’une sentence arbitrale en Droit Marocain et Droit comparé, édition ANAJAH ALJADIDA, Casablanca, 2011, (En arabe).
- Mohamed DIYAA TOUMLILT et AHMED ALAA TOUMLILT, Le droit de l’arbitrage au Maroc, édition maghrébine, Casablanca, 2014.
- AZOGGAR A .EL ALAMI, Guide pratique de l’arbitrage au Maroc, Annajah Al Jadida, 1reédition, 2012.
- Dahir n° 1-07-169 du 19 kaada 1428 (30 novembre 2007) portant promulgation de la loi n° 08-05 abrogeant et remplaçant le chapitre VIII du titre V du code de procédure civile.
احمد الفرولي مجلة التحكيم الداخلي .
احمد خليل: قواعد التحكيم، منشورات الحلبي الحقوقية، بيروت، 2003
محمد شبيب: إيقاف تنفيذ الأحكام المدنية في التشريع المغربي، رسالة لنيل دبلوم الدراسات العليا المعمقة كلية الحقوق بمراكش لسنة
1999-2000.
جودية خليل: آثار إلغاء الأحكام بعد تنفيذها، أطروحة لنيل الدكتورة في الحقوق، كلية الحقوق بمراكش، 2007-2008،
- يونس الزهري: مسطرة وقف تنفيذ الأحكام المشمولة بالنفاذ المعجل القضائي، مقال منشور في مجلة محاكمة، عدد2 مارس/ماي 2007
[1] Voir les articles : 327-36 et 327-52 de la loi 08-05.
[2] A. BOULAALAF, Abdallah BOULAALF, Le recours en annulation d’une sentence arbitrale en Droit Marocain et Droit comparé, édition ANAJAH ALJADIDA, Casablanca, 2011, page121, (En arabe).
[3] CAC Casablanca, 6 sept.2011, rev. Al Widadiya Al Hassaniyalilkoudat, n°3, mars 2012, p 219. Il est vrai que cette décision a été rendue postérieurement à l’adoption de la loi 08-05, toutefois, le litige qu’elle a tranché était soumis à l’ancien encadrement régissant l’arbitrage.
[4] Arrêt N°430 dossier commercial, numéro 1387/3/1/2004 (non publié)
[5] Arrêt de la jurisprudence libanaise N° 45/2007 rendu le 20/03/2007 publié dans la revue d’arbitrage, numéro2, Avril 2009, P370.
[6] Article 312 de la loi 08-05 prévoit dans son al 3 que : ‘’ le « président de la juridiction » désigne le président du tribunal de commerce, sauf précisions contraires’’
[7] Notamment lorsqu’il s’agit d’un litige visé à l’article Article 310 de la loi 08-05 qui dispose « Les litiges relatifs aux actes unilatéraux de l’Etat, des collectivités locales ou autres organismes dotés de prérogatives de puissance publique ne peuvent faire l’objet d’arbitrage ».
[8] En fait, la question du président de la cour d’appel soulevée par la loi 08-05 fait l’objet d’un grand débat du fait que le vice-président de la cour d’appel de commerce de Casablanca considère que l’ordonnance de l’exequatur doit se rendre par chaque président de juridiction selon la nature de l’affaire . Ordonnance Numéro 569 dossier n° 261.1.2008 rendu le 05/03/2008 (non publié).
Mais l’intervention du Docteur « RIAD FAKHRI », lors d’un colloque international organisé à la faculté de Droit de Settat le 24/04/2008 sur ‘’ la lecture sur la loi d’arbitrage et de la médiation conventionnelle dans la nouvelle loi’’, affirme l’existence, dans ce qui est précède, d’une confusion entre l’ordonnance de l’exéquatur et les vois de recours contre une sentence arbitrale. (Cette intervention n’est pas publiée).
[9] Voir à ce niveau une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Casablanca le 05/03/2008 numéro569 (non publiée).
[10] Arrêt rendu par la cour d’appel de commerce de Marrakech n°206, daté 5/2/2015, dans le dossier 1848/2/2014, (Voir l’annexe)
[11] Voire : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01141901/document , page 6.
احمد الفرولي مجلة التحكيم الداخلي ص 374.[12]
[13] O.AZOGGAR A .EL ALAMI, Guide pratique de l’arbitrage au Maroc, Annajah Al Jadida, 1reédition, 2012, PP 198-199.
[14] Voir chapitre VIII du CPC relatif à l’exécution provisoire.
[15] CA Paris, 1rech, P, ord, 2juin 2005, Rev. Arb, 2005, P1015, repp par M. D.TOUMLILT et A.T, op.cit,P 569.
احمد خليل: قواعد التحكيم، منشورات الحلبي الحقوقية، بيروت، 2003.[16]
[17] Arrêt n°2190/2013 rendu par la cour d’appel de commerce de Casablanca le 16/04/2013, dossier n° 3429/2011/14 (non publié)
[18] La jurisprudence libanaise confirme dans son arrêt que l’exécution des sentences arbitrales rendue d’une manière normale est suspendue dès l’exercice du recours ou même durant le délai fixé pour son exercice, mais les décisions arbitrales rendues avec une exécution provisoire leur exécution ne sera pas suspendue ni par l’exercice ni dans le délai, elle peut être suspendue uniquement par la juridiction statuant sur le recours en annulation ou sur l’appel. – voir l’arrêt de la haute juridiction libanaise, n° 99/112 du 21/12/1999 publié dans la Revue libanaise d’arbitrage arabe et international N°14 et15, P116.
[19] Voir l’article 1479 du code procédure français.
[20] Voir le paragraphe 3 de l’article 147 qui dispose : « Toutefois, des défenses à exécution provisoire peuvent être formées par requête distincte de l’action principale, devant la juridiction saisie, soit de l’opposition, soit de l’appel. »
[21] Cette arrêt affirme que « les décisions que la cour peut suspendre leur exécution, sont celles rendues avec l’exécution provisoire selon le pouvoir d’appréciation du juge, mais les décisions qui sont exécutoires de plein droit ne font pas l’objet de l’application des dispositions de l’article 147 CPC al 2… » Arrêt de la cour suprême Marocaine (aujourd’hui la cour de cassation) n° 1105 du 29/04/1991, publié dans la revue ALECHAA, n° 6, P61.
محمد شبيب: إيقاف تنفيذ الأحكام المدنية في التشريع المغربي، رسالة لنيل دبلوم الدراسات العليا المعمقة كلية الحقوق بمراكش لسنة[22]
1999-2000، ص 51 إلى 65.
جودية خليل: آثار إلغاء الأحكام بعد تنفيذها، أطروحة لنيل الدكتورة في الحقوق، كلية الحقوق بمراكش، 2007-2008، ص64[23]
ص83. يونس الزهري: مسطرة وقف تنفيذ الأحكام المشمولة بالنفاذ المعجل القضائي، مقال منشور في مجلة محاكمة، عدد2 مارس/ماي 2007 [24]
[25] Voir paragraphe 5 de l’article 147 de CPC.