Le Droit De La Survélévation Entre Les Régles Générales Et Les Textes Spéciaux -سلسلة الابحاث الجامعية و الاكاديمية العدد 34 – نونبر 2020
Introduction
Conscient de l’importance du secteur foncier dans le développement économique, le législateur marocain a mis en place, dans les dernières années, de nouvelles mesures législatives et réglementaires visant à accompagner les exigences d’investissement dans les domaines d’urbanisme, d’agriculture et de politique.
Le besoin à une réserve foncière constitue l’un des principaux besoins, quelque soit la politique poursuivie dans le domaine de l’investissement immobilier. Sa satisfaction requiert la fourniture des terrains nécessaires à cet investissement, avec l’exigence d’un encadrement juridique convenable dans ce sens.
Dans ce cadre le législateur a intervenu pour réviser totalement certaines dispositions du régime de l’immatriculation foncière[1].
Ainsi, la modification a intéressé particulièrement le dahir d’immatriculation foncière par le biais de la loi 14.07[2], et la révision totale a intéressée le dahir de 1915 abrogé par le code des droits réels de 2011.
C’est ainsi que le législateur a mis fin à la dualité qui avait marqué la législation foncière marocaine, et dont les origines reviennent à l’ère du protectorat, et a été consacrée après par la loi d’unification, marocanisation et arabisation de 1965. Ce qui s’est répercuté négativement sur la jurisprudence marocaine dont les dispositions allient entre l’application des règles de la doctrine islamique sur les causes de l’immeuble non immatriculé et entre l’application des dispositions du dahir d’immatriculation foncière et les dispositions du dahir de 2 juin 1915 relatif à la législation applicable aux immeubles immatriculés.
Le droit de la propriété a connu une évolution remarquable dans le monde en effet, on s’est donc passé de la propriété du sol en la propriété en volume[3].
Au Maroc, le même débat avait existait chez les jurisconsultes musulmans en matière de la vente du Houa.
Le législateur marocain a défini la surélévation d’après l’article 138 du CDR comme étant «un droit réel qui consiste en la possession d’une partie déterminée de l’espace vertical qui surplombe une construction existante, propriété d’un tiers, dans le but d’ériger au-dessus une construction autorisée par les lois et règlements».
Partant, le CDR dans la définition du droit de Houa[4] a annulé et dépassé la première image du droit de superficie ou du volume d’air absolu et s’est limité de la deuxième image à savoir l’air vertical surplombant une construction existante[5].
En droit français, le législateur français n’a pas définis la surélévation que dans l’article 35 de la loi 10 juillet 1965[6]; or, la jurisprudence l’a fait[7].
A signaler que le législateur marocain avant de réglementer les droits réels dans le cadre du CDR, il les a réglementer auparavant sous les droits coutumiers musulmans dans l’article 10 /chapitre 8 du dahir de 2 juin 1915 abrogé[8], ainsi qu’il les a soumis aux dispositions et coutumes locales selon l’article 197 du dit dahir. Dans ce cadre le professeur IBN MAAJOUZ a définit le droit de surélévation et houa en tant que «droit de la propriété relevant d’un immeuble immatriculé, ou non immatriculé, que ce soit un terrain nu ou sur lequel est implanté des constructions s’étend du dessus de cet immeuble»[9].
D’ailleurs, la surélévation se distingue des autres droits réels principalement du droit d’usufruit en ce que la surélévation est un droit réel permanent.
Il est à signaler que le droit de Houa et surélévation font partie des droits réels principaux ayant des origines législatives dans la doctrine islamique notamment dans la doctrine malikite. Le mérite à la réglementation des dispositions du droit de Houa revient à la doctrine malikite où les malikites et les hanbalites ont permis la vente du Houa et d’en disposer par la vente ou autre, et les hanafites n’ont pas permis pour des raisons liées à chaque courant[10].
Le droit de Houa indique la validité de la propriété du propriétaire de l’immeuble, et cela constitue une protection de sa propriété, il aide à l’atténuation de la crise immobilière notamment dans le sommet de la croissance démographique et le recours intensif aux villes pour cause de l’exode rurale dans notre ère contemporaine, elle se considère une ouverture pour arrêter l’étalement urbain, de surplus que le droit de Houa réalise une sorte de solidarité sociale notamment entre les membres de la seule famille et même hors d’elle, parce que la cession du droit de houa s’opère souvent avec un prix moins cher que le prix de la cession du terrain. Pour cette raison le droit de Houa joue un rôle socio-économique.
La surélévation est à distinguer donc du droit de superficie ; ce dernier est un droit réel immobilier que l’article 97 du dahir de 1915 décrit comme étant «le fait de posséder des bâtiments, ouvrages ou plantations sur un fond appartenant à autrui», le superficiaire peut valablement aliéner son droit, l’hypothéquer, comme il peut grever de servitudes les biens qui font l’objet de ce droit[11] conformément à l’article 116 du CDR.
Le législateur a défini le droit de superficie dans l’article 116 de la loi 39.08 formant code des droits réels comme étant «un droit réel immobilier qui consiste en la possession de bâtiments, ouvrages ou plantations sur un fonds appartenant à autrui. Il se transmet par préemption, par succession ou testament. Le droit de superficie ne peut être établi sur des droits indivis sauf consentement de tous les Co-indivisaires». Si les deux droits de houa et surélévation d’une part et du droit de superficie d’autre part s’accordent en ce que la propriété de l’immeuble se répartit entre deux personnes, l’une possède la nue-propriété et l’autre possède la jouissance, ils divergent, d’autre part en ce que le premier s’établit sur les terrains nus tandis que le deuxième ne s’établit que sur les constructions.
D’ailleurs, il est à constater que d’après le régime juridique des droits de superficie et du Houa et surélévation constituent d’importants outils susceptibles de fournir les immeubles nécessaires pour les intervenants en matière de construction peuvent y faire recours comme deux outils susceptibles de fournir les immeubles nécessaires pour l’exécution de leur projets. Au lieu d’acquérir l’immeuble en totalité ils peuvent seulement acquérir le droit de superficie ou le droit de Houa et surélévation c’est-à-dire le droit à bâtir sur un terrain ou une construction dont la propriété revient à un tiers, Ces droits présentent un certain nombre de privilèges qui peuvent promouvoir à leur utilisation. En effet, les charges matérielles que supporte le bénéficiaire en vue de l’obtention du droit à construire sur le bien d’autrui se considère moins cher par rapport à celles que requiert l’opération d’acquisition lorsqu’elle englobe le droit de la propriété par tous ses éléments. C’est ce qui rend les intervenants en matière de construction capables relativement à fournir le montant d’acquisition des deux droits de superficie et de Houa par rapport à celui que requiert l’opération d’acquisition de la jouissance et de la nue-propriété ensembles [12] . Alors que pour le propriétaire original il peut au lieu de céder son terrain en totalité et définitivement en contrepartie d’un montant déterminé, il peut aliéner le droit à bâtir sur lui en préservant sa nue-propriété.
Si l’un des aspects de la problématique foncière en matière de construction se manifeste au refus des propriétaires immobiliers de céder leurs immeubles pour des causes psychologiques et culturelles, il convient de se baser sur le droit d’emphytéose et de Zina, pour dépasser cette problématique, Le propriétaire dans ce cas n’est pas censé délaisser son terrain ou sa construction, mais il œuvre seulement à la cession du droit à bâtir sur elles.
Et comme il a été déjà signalé, les droits de superficie et Houa et surélévation donnent à leurs titulaires un certain nombre de droits manifestant à l’implantation de ce qu’ils veulent comme constructions et implantations et leurs utilisation soit de manière personnel ou de les louer à celui qui va l’utiliser ou même leurs aliénation au tiers[13]. Contrairement au droit d’emphytéose dont les droits de son titulaire sont liés à un délai déterminé, les droits du propriétaire de superficie et de Houa et surélévation ne sont pas limités par aucun délai, et cela signifie que les titulaires de ces droits peuvent récupérer tous les frais qu’ils ont dépensés dans l’acquisition du droit à bâtir sur la propriété d’autrui et l’implantation des constructions et implantations qu’ils ont implantés[14].
Objectivement, la surélévation n’a en effet que des vertus :
-La surélévation permet de développer des qualités architecturales sur un bâtiment pauvre ou qui aurait mal vieilli. L’intervention permet donc de donner à l’ouvrage une nouvelle stature dans la ville, de manière chirurgicale.
-Energétiquement, la surélévation permet une évolution positive du bâtiment en venant coiffer des ouvrages énergivores de surfaces neuves BBC (Basse Consommation). L’extension isole la construction par le haut et permet une diminution des pertes thermiques.
-Sur un plan environnemental et durable, les surélévations profitent de la situation élevée pour utiliser les sources d’énergie renouvelables. Les projets associent ainsi souvent des panneaux solaires photovoltaïques ou thermiques.
Certains exemples réutilisent même l’eau de pluie ! La surélévation permet alors d’imaginer une ville où les bâtiments se seraient tournés vers les cieux pour optimiser leur fonctionnement.
-Economiquement, la surélévation permet la réalisation de surfaces neuves au coût de la construction, Un véritable atout pour dépasser l’explosion du prix du foncier dans les grandes villes, la surélévation permet ainsi aux maîtres d’ouvrages privés d’étendre leurs patrimoines à un prix moindre que celui du marché, Les copropriétaires peuvent également valoriser ces droits à construire résiduels avec un professionnel et y trouver une ressource au financement de travaux de conservation, d’amélioration et d’efficacité énergétique.
-Urbanistiquement, la surélévation concourt par la densification très mesurée qu’elle permet à la lutte contre l’étalement urbain, C’est une alternative crédible à l’extension sans fin de nos zones urbaines et au grignotage des terres agricoles ou des espaces naturels.
-Socialement enfin, les projets d’extension permettent la création d’une offre de logements neufs dans les grands centres urbains, Cette capacité à réaliser des logements neufs en ville concourt à la fin de la hausse effrénée des prix de l’immobilier entretenue par la pénurie de l’offre.
En ce sens, le surhaussement de bâtiment dépasse l’intérêt particulier du maître d’ouvrage ; il concourt à l’intérêt général[15].
Monsieur Putcha voit que l’origine du droit de surélévation revient à certains pratiques des promoteurs immobiliers, c’est ainsi et pour cause de la rareté des terrains constructibles à Rome, ces promoteurs avaient construis sur des bâtiments ayant un seul étage revenant à un tiers, un autre étage dénommé (coenaculum) et procèdent à leurs location[16].
Au Maroc, les jurisconsultes musulmans sont les premiers en ce qui concerne l’adoption de la propriété des étages, en effet, la doctrine musulmane a permis l’appropriation des appartements et étages par application aux règles généraux du droit musulman.
Les textes de la doctrine musulmane ont parlé de la vente du houa, qui inclut la vente du volume d’air surélevant un édifice.
La surélévation se situe a mis chemin entre un certain nombre de textes à la fois généraux à savoir les lois et règlements d’urbanisme et spéciaux se manifestant dans une panoplie de textes de lois notamment aux code des obligations et contrats, la loi sur la copropriété, le code des droits réels, la loi 25.90 relative aux lotissements, groupes d’habitation et morcellements, le code de la famille, le code des Habous et la loi sur l’immatriculation foncière.
Pour traiter le sujet du droit de la surélévation entre les règles générales et les textes spéciaux on peut poser la problématique suivante :
Est-ce que le législateur marocain a pu réaliser la sécurité juridique et foncière du droit de la surélévation tant au niveau des règles générales ou bien au niveau des textes spéciaux.
Il convient également de traiter l’importance et choix du thème, en effet l’adage édicte que «Pas d’intérêt pas d’action», c’est ainsi qu’avant d’étudier le thème «la surélévation entre les règles générales et les textes spéciaux», il est souhaitable d’en expliquer les raisons.
En premier lieu, la présente étude répond à une question d’actualité, celle de savoir la protection juridique du droit à la surélévation que ce soit au niveau des règles générales ou bien au niveau des textes spéciaux notamment avec les modifications introduites par plusieurs textes juridiques.
En deuxième lieu, l’étude est destinée aux juristes, et aux praticiens en droit immobilier puisqu’elle sera basée sur l’étude des différents aspects de la surélévation issus de la pratique.
Concernant le choix du sujet de la recherche, on a choisi ce sujet dans l’objectif d’être une matière de discussion avec savoir et conscience, notamment qu’il s’agit de l’immobilier et ce d’après les textes juridiques et la jurisprudence.
A l’instar de tout travail scientifique, la présente étude a confronté plusieurs difficultés s’envisageant notamment dans la rareté des sources de recherche, car aucun travail n’a été dédié au droit à la surélévation notamment en ce qui concerne les sources nationales, et les recherches existantes malgré leur importance se sont limitées juste aux dispositions générales.
Dans ce cadre, plusieurs chercheurs considèrent que la recherche dans cette thématique constitue un risque car il s’agit de la doctrine musulmane qui s’applique essentiellement dans le domaine des droits réels coutumiers, la plupart d’entre eux justifient cela par la nécessité de traiter une partie déterminée par respect à la méthode de la recherche académique, or, si on a accepté cette hypothèse, aucun chercheur ne pourra élucider ce sujet.
S’agissant de la méthodologie poursuivie, afin d’entourer complètement le sujet, nous allons adopter une approche descriptive et analytique des différents textes juridiques régissant la surélévation, mais aussi l’adoption d’une approche comparative tant qu’il est possible.
L’étude du droit de la surélévation entre les règles générales et les textes spéciaux nécessite une répartition bipartite. Dans une première partie, il convient de traiter le cadre juridique régissant le droit de la surélévation et dans une deuxième partie les limites et perspectives afférentes à la protection juridique du doit de surélévation.