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La régulation pénale des pratiques commerciales illicites au Maroc entre protection concurrentielle et la garantie des droits du consommateur – Karima EZZIYANI

La régulation pénale des pratiques commerciales illicites au Maroc entre protection concurrentielle et la garantie des droits du consommateur

Criminal Regulation of Unlawful Commercial Practices in Morocco: Balancing Competition Protection and Consumer Rights

Karima EZZIYANI

Docteure en droit privé

هذا البحث منشور في مجلة القانون والأعمال الدولية الإصدار رقم 59 الخاص بشهر غشت / شتنبر 2025

رابط تسجيل الاصدار في DOI

https://doi.org/10.63585/KWIZ8576

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La régulation pénale des pratiques commerciales illicites au Maroc entre protection concurrentielle et la garantie des droits du consommateur

Criminal Regulation of Unlawful Commercial Practices in Morocco: Balancing Competition Protection and Consumer Rights

Karima EZZIYANI

Docteure en droit privé

Résumé

Les pratiques commerciales illicites représentent aujourd’hui l’un des défis majeurs auxquels sont confrontés les marchés contemporains, en raison de leurs effets néfastes sur la concurrence loyale et sur les droits des consommateurs. Dans le contexte marocain, la nécessité d’un encadrement juridique rigoureux s’impose pour instaurer un équilibre entre la protection du système économique et la confiance du consommateur dans les échanges commerciaux. L’approche pénale constitue à cet égard un levier fondamental de l’intervention de l’État, à travers la répression de certains comportements tels que la fraude, la publicité mensongère, les ententes anticoncurrentielles, la contrefaçon et la vente illégale. Toutefois, en dépit de la diversité des textes juridiques et des sanctions prévues, ces pratiques persistent dans la réalité, ce qui soulève la question de l’efficacité du cadre pénal existant.

Abstract

Illicit commercial practices have become one of the major challenges facing contemporary markets today, due to their detrimental effects on fair competition and consumer rights. In the Moroccan context, there is a pressing need for a robust legal framework to establish a balance between protecting the economic system and fostering consumer confidence in commercial transactions. In this regard, criminal law serves as a fundamental instrument of State intervention through the repression of certain behaviors such as fraud, misleading advertising, anti-competitive agreements, counterfeiting, and illegal sales. However, despite the diversity of legal texts and the sanctions provided, such practices continue to persist in reality, raising concerns about the effectiveness of the existing criminal framework.

Introduction

Dans le monde du commerce moderne, le marché s’est transformé en un environnement complexe et en perpétuelle évolution, nécessitant une régulation rigoureuse afin de garantir des transactions transparentes et équitables. Malgré l’expansion des échanges et la croissance économique, les pratiques commerciales illégales connaissent une recrudescence alarmante, menaçant ainsi la stabilité du système économique et les droits fondamentaux des consommateurs. Dans ce contexte, le droit pénal apparaît comme un instrument puissant et indispensable pour instaurer un cadre commercial juste, protégeant les consommateurs contre les abus résultant de la fraude ou de l’exploitation illicite[1].

Au Maroc, les pratiques commerciales illicites constituent un défi majeur pour les autorités de régulation. Entre la lutte contre la fraude, la protection du consommateur et la préservation d’une concurrence loyale, le droit pénal économique s’impose comme un levier essentiel de contrôle. Des infractions telles que la publicité trompeuse, les ententes anticoncurrentielles ou encore la commercialisation de produits non conformes révèlent non seulement les limites du cadre juridique en vigueur, mais aussi les difficultés liées à l’effectivité des mécanismes d’application.

Bien que le législateur marocain ait mis en place un dispositif juridique structuré, notamment à travers la loi n° 31-08 relative à la protection du consommateur et la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence, plusieurs obstacles subsistent : insuffisance des contrôles, légèreté des sanctions, complexité des procédures[2]. Une analyse approfondie de ces limites est nécessaire pour apprécier la portée réelle de la régulation pénale dans un contexte de libéralisation économique.

L’importance de la régulation pénale a été tragiquement mise en évidence à travers des événements historiques marquants, comme l’affaire des huiles nocives de Meknès en 1959 et le tremblement de terre d’Agadir en 1960. Si ce dernier relève d’une catastrophe naturelle, le premier constitue un drame provoqué par une action humaine délibérée. Des commerçants peu scrupuleux ont mis sur le marché une huile de table trafiquée, provoquant des milliers de cas de décès ou d’infirmité à vie. Ce drame, qualifié par certains de « notre Hiroshima à nous », a révélé de manière brutale les conséquences de l’absence de contrôle rigoureux du marché[3].

Les contours de la notion de consommateur restent assez flous. Plusieurs approches peuvent expliquer cette notion, Dans un premier temps, il paraît évident de dire que le consommateur n’est pas un professionnel. La définition peut donc se faire par exclusion : est consommateur celui qui contracte pour des raisons privées et non professionnelles. En étudiant la notion de professionnel, il est apparu que ce dernier pouvait être une personne morale ou une personne physique, Le professionnel est la personne physique ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de production, de distribution ou de prestation de service. Ainsi, c’est le caractère habituel et organisé de l’activité qui donne la définition du professionnel. Bien que la notion soit générique, elle présente l’avantage d’être immédiatement perceptible. Le terme de professionnel est pris dans son sens le plus étendu, peu importe la taille de l’entreprise, que ce soit une personne physique ou morale[4].

Le droit pénal économique poursuit ainsi plusieurs objectifs fondamentaux : dissuader les pratiques abusives, garantir une concurrence équitable, prévenir la fraude, et protéger l’intégrité des échanges. En interdisant, par exemple, la publicité mensongère, la vente de produits dangereux ou encore les pratiques anticoncurrentielles, il favorise l’instauration d’un marché transparent et fiable. La répression des infractions économiques vise donc autant à sanctionner qu’à restaurer la confiance du public[5].

L’intérêt de cette étude réside dans la nécessité croissante de réguler efficacement les activités commerciales, face à des comportements nuisibles affectant la sécurité du marché et la stabilité des consommateurs. Le droit pénal s’impose dès lors comme un outil central de protection contre la tromperie, la contrefaçon, le commerce déloyal et d’autres formes d’abus menaçant les équilibres du marché.

La transparence[6] et la concurrence loyale[7] représentent les piliers fondamentaux d’un système économique sain. Elles permettent de garantir les droits des consommateurs et d’instaurer un environnement commercial compétitif et équitable. Or, avec l’expansion des activités commerciales, le marché est aujourd’hui exposé à diverses pratiques illicites : monopoles, manipulation des prix, publicité mensongère… autant de dérives qui sapent la confiance et perturbent le bon fonctionnement du système économique.

Dans un contexte de libéralisation économique et d’expansion du commerce, le Maroc est confronté à une recrudescence des pratiques commerciales illicites qui menacent à la fois l’équilibre du marché et les droits des consommateurs. Malgré l’existence d’un arsenal juridique pénal destiné à encadrer ces dérives – notamment à travers la répression de la publicité trompeuse, de la contrefaçon ou des ententes anticoncurrentielles –l’effectivité de ces normes reste sujette à de nombreuses limites pratiques et juridiques.

Dès lors, dans quelle mesure le droit pénal marocain parvient-il à concilier la protection du marché avec la garantie effective des droits du consommateur face aux pratiques commerciales frauduleuses et déloyales ?

Afin de répondre à cette problématique, il convient d’analyser dans un premier temps le cadre juridique et pénal encadrant les pratiques commerciales frauduleuses au Maroc, en mettant l’accent sur les infractions telles que la publicité mensongère ou les ententes illicites. Ensuite, il s’agira d’étudier les mécanismes de lutte contre la fraude et le commerce déloyal, notamment à travers l’examen des pratiques interdites comme la vente illégale, la contrefaçon ou encore les atteintes à la concurrence loyale.

  1. La réglementation pénale des pratiques commerciales frauduleuses

Dans un contexte économique où la transparence et la loyauté des transactions sont devenues des exigences fondamentales, le législateur marocain a érigé plusieurs garde-fous juridiques pour prévenir et sanctionner les pratiques commerciales frauduleuses. Parmi ces pratiques, la publicité mensongère et les ententes anticoncurrentielles constituent des infractions particulièrement nuisibles à la fois pour le bon fonctionnement du marché et pour la protection des consommateurs. Toutefois, malgré la présence de textes clairs et relativement modernes, l’application effective de ces normes se heurte à des obstacles juridiques, institutionnels et pratiques. Il importe donc d’examiner, d’une part, le régime juridique encadrant la publicité trompeuse (1) et, d’autre part, les dispositions relatives aux ententes illicites et abus de position dominante (2), afin d’en évaluer la portée réelle et les limites.

  1. La publicité mensongère et trompeuse : cadre juridique et difficulté d’application

La publicité mensongère consiste à diffuser des informations inexactes ou trompeuses dans le but d’induire en erreur le public. Cette pratique, bien qu’interdite, s’inscrit parfois dans les habitudes publicitaires et peut être difficile à distinguer d’une publicité simplement attractive, qui exagère les qualités d’un produit sans pour autant tromper délibérément le consommateur.

Au Maroc, plusieurs textes législatifs encadrent la lutte contre la publicité mensongère. La loi n° 31-08 relative à la protection du consommateur constitue la principale référence en la matière. Son article 24 interdit toute forme de publicité susceptible d’induire en erreur, notamment sur les caractéristiques, le prix, ou les conditions de vente d’un produit. Elle prévoit des sanctions civiles et pénales, particulièrement en cas de récidive ou lorsque la publicité cause un préjudice significatif aux consommateurs[8].

La loi n° 13-83 sur la répression des fraudes renforce cet encadrement en criminalisant les indications mensongères figurant sur les marchandises ou dans leur publicité. Elle vise expressément les infractions liées à la fraude commerciale. Les peines prévues incluent des amendes allant de 200 à 7 200 dirhams, la saisie des marchandises concernées ainsi que la cessation immédiate de la publicité incriminée[9].

En ce qui concerne les médias audiovisuels, la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle interdit les messages publicitaires trompeurs, conformément à son article 68, ce qui engage la responsabilité des diffuseurs[10].

Pour qu’une publicité soit pénalement qualifiée de mensongère, trois conditions doivent être réunies :

  • La diffusion du message au public ;
  • Le caractère objectivement mensonger ou de nature à tromper ;
  • L’existence d’une intention frauduleuse ou, à défaut, une négligence grave[11].

Le message publicitaire émis par le fournisseur ne doit pas induire le consommateur en erreur ou lui communiquer des informations fausses ou trompeuses. On comprend aisément qu’il s’agit là d’une règle qui doit toucher l’ensemble du message publicitaire, c’est-à-dire tous les éléments qu’il véhicule ou auxquels il fait un renvoi, et ce quel que soit la forme de cette publicité. Les procédés de publicité ont connu une évolution importante, puisque des messages publicitaires sont envoyés à des milliers de personnes quotidiennement sur leur téléphone portable ou sur leur messagerie électronique, même si ces consommateurs n’avaient jamais formulé leur volonté de recevoir ces messages. D’ailleurs, on voit des sociétés de publicité se spécialiser en créneau en profitant de l’absence de réglementation en la matière. C’est dans ce cadre que les dispositions de la loi n°31-08 viennent protéger le consommateur de cette nuisance publicitaire, en imposant d’abord au fournisseur de clairement s’identifier dans les courriers électroniques, d’informer le consommateur qui reçoit ce message qu’il existe un moyen pour qu’il s’oppose, à l’avenir, à la réception de ces publicités, et lui montrer comment il peut procéder pour obtenir l’arrêt de ces envois par voie électronique[12].

Malgré ce cadre juridique étoffé, la répression de la publicité mensongère reste limitée dans la pratique. Plusieurs obstacles freinent l’effectivité des poursuites : d’une part, la méconnaissance des droits par une grande partie des consommateurs, et d’autre part, le manque de moyens et de coordination entre les différents organes chargés du contrôle.

En effet, la répartition des compétences entre les autorités de régulation, les tribunaux de commerce, et les associations de protection des consommateurs demeure peu claire, ce qui affaiblit l’efficacité de la lutte contre ce type de fraude.

  1. Les ententes illicites et abus de position dominante : entre logique administrative et efficacité économique

Au Maroc, bien que les textes législatifs interdisent explicitement les ententes illicites et les abus de position dominante, la réponse juridique à ces pratiques demeure avant tout administrative plutôt que pénale. La loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence constitue le socle du droit marocain de la concurrence. Il s’agit d’une loi à dominante économique, qui repose sur des mécanismes principalement non judiciaires en première instance, avec un rôle central attribué au Conseil de la Concurrence, organe indépendant chargé d’instruire et de sanctionner ces pratiques[13].

L’article 6 de la loi vise les ententes illicites, telles que les cartels, la répartition de marchés ou encore la fixation concertée des prix. De son côté, l’article 7 interdit les abus de position dominante, qui peuvent se manifester par des pratiques telles que la fixation de prix prédateurs, le refus de vente ou la discrimination entre partenaires économiques. Ces dispositions s’inspirent largement du droit européen de la concurrence, notamment des articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)[14].

En matière de sanctions, la loi prévoit deux niveaux :

Pour les personnes morales, des amendes importantes peuvent être infligées, pouvant atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires annuel national.

Pour les personnes physiques, des peines d’emprisonnement sont théoriquement possibles, mais en pratique, elles sont rarement appliquées. L’amende constitue donc la sanction dominante, traduisant une volonté du législateur de privilégier une logique de dissuasion économique plutôt que de répression pénale[15].

Le Conseil de la Concurrence joue un rôle central dans la mise en œuvre de cette politique. Il peut être saisi par une partie intéressée ou agir d’office, et dispose de prérogatives étendues, telles que la possibilité d’ordonner des perquisitions, sous autorisation du ministère public. Ses décisions peuvent faire l’objet de recours devant la Cour d’appel de Rabat, ce qui renforce le respect des garanties procédurales. Toutefois, malgré son statut d’organe indépendant, le Conseil demeure inscrit dans une logique administrative plus que judiciaire[16].

De ce fait, la répression des pratiques anticoncurrentielles au Maroc repose essentiellement sur une approche administrative et économique. Si le cadre législatif est relativement aligné sur les standards internationaux, notamment européens, la mise en œuvre pénale reste limitée, traduisant une préférence marocaine pour des sanctions économiques dissuasives, mais peu judiciaires.

  1. La lutte contre les infractions commerciales portant atteinte aux droits des consommateurs

Si la réglementation pénale vise à encadrer les comportements des opérateurs économiques, elle trouve toute sa légitimité lorsqu’il s’agit de protéger les intérêts fondamentaux des consommateurs. En effet, les infractions commerciales ne se limitent pas à des atteintes abstraites à l’ordre économique, mais engendrent souvent des conséquences directes sur la santé, la sécurité et les droits des individus. Dans cette optique, le législateur marocain a instauré plusieurs dispositifs juridiques pour faire face à des pratiques particulièrement dangereuses telles que la contrefaçon, la mise sur le marché de produits nocifs ou encore les formes de vente illicites. Toutefois, la mise en œuvre de ces instruments reste confrontée à diverses limites, qu’il convient d’examiner à travers l’étude, d’une part, de la répression de la contrefaçon et des produits dangereux (1), et d’autre part, de l’encadrement juridique des pratiques de vente interdites et de leurs sanctions pénales (2).

  1. La contrefaçon et les produits dangereux : entre volonté réglementaire et limites pénales

La lutte contre la contrefaçon et la commercialisation de produits dangereux constitue un enjeu central dans le dispositif marocain de protection du consommateur. Le cadre juridique, notamment la loi n° 17-97 relative à la protection de la propriété industrielle, prévoit des sanctions claires, allant de lourdes amendes à des peines d’emprisonnement, à l’encontre des auteurs de contrefaçon. Toutefois, l’effectivité de ces mesures se heurte à plusieurs limites, tant sur le plan procédural qu’en ce qui concerne l’exécution des décisions judiciaires.

La jurisprudence marocaine illustre bien cette dualité entre la volonté répressive des autorités et les obstacles pratiques à l’application du droit. Dans un arrêt de la Cour d’appel de commerce de Casablanca en date du 19 juillet 2022 (n° 2022/8211/1142), la cour a confirmé la condamnation d’un commerçant pour la vente de produits portant une marque contrefaite, estimant que cette pratique constituait une atteinte grave aux droits exclusifs du titulaire de la marque. Cette décision met en évidence l’importance accordée à la protection des signes distinctifs, dans un contexte de concurrence déloyale accrue[17].

De même, dans un arrêt du 17 octobre 2006 (n° 1221/2005/17), la même juridiction a précisé qu’en cas de contrefaçon manifeste, le juge des référés pouvait ordonner l’arrêt immédiat de la commercialisation des produits litigieux, sous réserve qu’une action au fond soit engagée dans un délai de 30 jours. Cette jurisprudence met en avant un mécanisme préventif pertinent, bien qu’il reste conditionné par le respect strict des procédures formelles[18].

Par ailleurs, la commercialisation de produits dangereux, notamment contrefaits ou non homologués, soulève de sérieuses préoccupations en matière de santé publique. Si la réglementation impose aux producteurs et distributeurs des obligations de traçabilité et de conformité, les poursuites pénales demeurent souvent entravées par des difficultés de preuve, le manque de coordination entre les organes de contrôle, ainsi que la lenteur des procédures judiciaires. En pratique, les commerçants professionnels peuvent être tenus responsables même en l’absence de preuve de fabrication frauduleuse, en vertu de leur obligation de vigilance, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt récent[19].

Au Maroc, la législation pénale encadre strictement la contrefaçon ainsi que la gestion des produits dangereux, dans le but de préserver l’ordre économique, la santé publique et la sécurité des consommateurs. La lutte contre la contrefaçon repose principalement sur la loi n° 17-97 précitée, qui incrimine toute atteinte aux droits de propriété industrielle, notamment les marques, brevets et dessins ou modèles. Les sanctions prévues incluent des peines d’emprisonnement allant de six mois à un an, ainsi que des amendes, selon la gravité des faits. Néanmoins, cette législation fait l’objet de critiques pour son manque de sévérité, notamment au regard des standards internationaux tels que ceux de la Convention de Palerme, laquelle considère comme « graves » les infractions passibles de peines privatives de liberté d’au moins quatre ans. En ce sens, le droit marocain demeure insuffisamment dissuasif face aux réseaux criminels organisés opérant dans la contrefaçon.

Concernant les produits dangereux, plusieurs textes régissent leur fabrication, leur distribution et leur élimination. La loi n° 24-09 relative à la sécurité des produits et des services impose aux opérateurs économiques des obligations strictes visant à garantir la conformité et la sécurité des produits mis sur le marché[20]. À cela s’ajoutent la loi n° 11-03 relative à la protection de l’environnement[21] et la loi n° 28-00 sur la gestion des déchets[22], qui encadrent notamment le traitement et l’élimination des substances dangereuses. Ces dispositions sont renforcées par l’adhésion du Maroc à plusieurs conventions internationales, telles que la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants[23] et la Convention de Rotterdam[24], qui encadre le commerce de produits chimiques dangereux.

Dans le cadre de la prévention des risques industriels, le ministère marocain de la Transition Énergétique et du Développement Durable a mis en place des plans de prévention dans les zones industrielles. Ces programmes visent à anticiper, maîtriser ou atténuer les effets potentiellement néfastes des substances dangereuses sur la population et l’environnement.

En définitive, si le cadre juridique marocain témoigne d’une volonté affirmée de réprimer la contrefaçon et de réglementer les produits dangereux, il demeure perfectible, notamment en matière de sanctions pénales et d’effectivité des mesures de contrôle. Une réforme plus rigoureuse, inspirée des standards internationaux, permettrait de mieux répondre aux impératifs de sécurité publique et de protection du consommateur.

  1. Les pratiques de la vente interdites : cadre juridique et sanctions légales

La réglementation pénale des pratiques de la vente interdite au Maroc est un ensemble de normes juridiques visant à protéger l’ordre public, la santé publique, ainsi que les droits des consommateurs, tout en garantissant une concurrence loyale sur le marché. Cette réglementation repose sur plusieurs textes législatifs, notamment le Code pénal, le Code de la consommation et des lois spécifiques qui encadrent la sécurité des produits et les pratiques commerciales.

  • Vente de produits interdits ou illégaux

Au Maroc, la vente de certains produits est strictement interdite en raison de leur dangerosité ou de leur illégalité. Les stupéfiants, les armes sans autorisation, ainsi que les produits contrefaits sont des exemples de produits dont la vente est prohibée. La loi 13-21 relative aux stupéfiants et à leur trafic[25] impose des peines de prison sévères pour la vente, l’achat ou la possession de drogues. De même, la contrefaçon de produits, qu’il s’agisse de vêtements, d’appareils électroniques ou de médicaments, est réprimée par des sanctions pénales sévères[26].

  • Vente sans autorisation ou illégale

La vente sans autorisation, notamment dans le cadre de la vente ambulante ou de la vente sur la voie publique, est également interdite. Toute activité commerciale non conforme aux règles d’autorisation ou d’hygiène[27] peut entraîner des sanctions administratives[28] et pénales[29].

  • Pratiques anticoncurrentielles et déloyales

Le Maroc a mis en place des mesures rigoureuses contre les pratiques commerciales trompeuses. Toute tromperie sur la qualité ou l’origine des produits est sévèrement punie. Par exemple, la vente de produits alimentaires périmés ou contrefaits[30], ou encore la publicité mensongère[31], relève des pratiques commerciales déloyales[32]. La loi 31-08 sur la protection des consommateurs encadre ces pratiques, et toute violation peut entraîner des peines de prison de un à cinq ans, ainsi que des amendes substantielles. En outre, les clauses abusives dans les contrats de consommation sont également interdites et peuvent entraîner des sanctions[33].

La revente à perte est prohibée au Maroc, conformément aux règles du Code de commerce marocain[34]. Cette pratique, qui consiste à vendre des produits à des prix inférieurs à leur coût d’achat, fausse la concurrence et peut nuire à l’économie du marché[35]. Toute revente à perte ou pratique anticoncurrentielle peut entraîner des sanctions telles que des amendes et des peines de prison, selon la gravité de l’infraction.

  • Régime des sanctions pénales

Les infractions relatives à la vente interdite sont passibles de lourdes sanctions pénales[36]. Les amendes peuvent atteindre des montants significatifs, et les peines de prison varient selon la nature de l’infraction. Par exemple, la vente de produits contrefaits ou la fraude commerciale[37] peut entraîner des peines de prison allant de un à cinq ans, et des amendes pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de milliers de dirhams. En outre, des mesures comme la saisie des produits contrefaits et la fermeture des établissements fautifs peuvent être prises.

Dès lors, il est possible d’affirmer que la réglementation pénale des pratiques de la vente interdite au Maroc joue un rôle crucial dans la protection des consommateurs, la préservation de l’ordre public et la régulation de la concurrence. Elle repose sur une législation stricte, qui prévoit des sanctions sévères pour ceux qui enfreignent les règles relatives à la vente de produits interdits, à la fraude commerciale, à la tromperie et à la revente à perte. Pour garantir l’application de ces normes, des institutions telles que la Direction générale de la sécurité des produits et la police judiciaire assurent la mise en œuvre de ces règles dans le cadre de contrôles réguliers et d’enquêtes.

Ainsi, toute personne souhaitant mener des activités commerciales au Maroc doit impérativement se conformer à cette réglementation afin d’éviter des sanctions sévères et de participer à un marché équitable et respectueux des normes.

Conclusion

La régulation pénale des pratiques commerciales illicites au Maroc constitue un enjeu majeur à la croisée des impératifs économiques, juridiques et sociaux. Dans un marché en constante mutation, où les formes de fraude se diversifient et s’adaptent aux nouvelles réalités technologiques et commerciales, le droit pénal économique est appelé à jouer un rôle fondamental dans la protection des droits des consommateurs et la préservation de l’équilibre du marché. Les législations marocaines, bien qu’ayant jeté les bases d’un cadre juridique solide — notamment à travers la loi n° 31-08 relative à la protection du consommateur et la loi n° 104-12 sur la concurrence — montrent néanmoins des limites importantes dans leur application effective.

Les infractions telles que la publicité trompeuse, la contrefaçon ou encore les pratiques commerciales déloyales révèlent les failles du dispositif actuel, tant au niveau des contrôles, des sanctions, que de la coordination entre les différents acteurs institutionnels. Ce constat impose une réflexion approfondie sur les mécanismes existants et appelle à des réformes concrètes.

À cet égard, plusieurs recommandations méritent d’être envisagées pour renforcer l’efficacité de cette régulation :

  • Renforcer les moyens humains et techniques des organes de contrôle, afin d’assurer une détection plus rapide et efficace des infractions ;
  • Durcir les sanctions pénales en matière de pratiques commerciales les plus graves, pour assurer un réel effet dissuasif ;
  • Adapter les textes aux nouvelles formes de commerce numérique, en encadrant les pratiques illicites sur les plateformes en ligne ;
  • Favoriser la coopération interinstitutionnelle entre autorités judiciaires, économiques et sanitaires ;
  • Et enfin, promouvoir une culture de légalité commerciale à travers des campagnes de sensibilisation ciblant aussi bien les opérateurs que les consommateurs.

En somme, la régulation pénale du marché ne peut être pleinement efficace que si elle s’inscrit dans une approche globale, conjuguant rigueur juridique, volonté politique et engagement sociétal. Elle représente non seulement un levier de protection individuelle, mais aussi un pilier essentiel de la confiance dans l’économie marocaine.

Références bibliographiques

Ouvrages

  • Bouloc, B. Droit pénal général, Dalloz 27e éd., 2021
  • Jérôme Julien, « Droit de la consommation et du surendettement », L’extenso Edition, 2009, n° 14
  • Cadiet, Laurent, et Eric Jeuland, Droit pénal économique et financier (Paris: Presses Universitaires de France, 2019
  • Faull, Jonathan, and Nik Pay. EU Competition Law. 3rd ed. Oxford: Oxford University Press, 2014
  • Vogel, Louis. Droit de la concurrence: droit français. 3ᵉ éd. Bruxelles, Bruylant, 2020

Codes

  • Code pénal marocain
  • Code de commerce marocain

Lois

  • Loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, Bulletin Officiel n° 5956, 30 Juin 2011
  • Loi n° 13-83 relative à la répression des fraudes sur les marchandises, promulguée par le Dahir n° 1-83-108 du 05 Octobre 1984.
  • Loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle, promulguée par le Dahir n° 1-04-257 du 07 Janvier 2005
  • Loi n° 24-09 relative à la sécurité des produits et des services, Maroc, publiée au Bulletin Officiel, n° 5801, 2010.
  • Loi n° 11-03 sur la protection de l’environnement, Maroc, publiée au Bulletin Officiel, n° 5147, 2003
  • Loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets, Maroc, publiée au Bulletin Officiel, n° 4745, 2006
  • Loi n° 13-21 relative aux stupéfiants et à leur trafic, Maroc, publiée au Bulletin Officiel, n° 6359, 2021
  • Loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Promulguée par le Dahir n° 1-14-116 du 30 juin 2014.
  • Loi 17-97 sur la propriété industrielle ; Article 346 du code pénal marocain.

Jurisprudences

  • Cour d’appel de commerce de Casablanca, Arrêt n° 2022/8211/1142 du 19 juillet 2022
  • Cour d’appel de commerce de Casablanca, Arrêt n° 1221/2005/17 du 17 octobre 2006

Articles

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  • ABDERRAHIM BENDRAOUI, “La protection du consommateur au Maroc”, Publication de la revue Marocaine d’administration locale et de développement”, Collection Manuels et Travaux Universitaires, Première édition, 2002.
  • Karim Rochdi, “La régulation pénale des infractions économiques : entre sanction et prévention,” Revue Marocaine des Sciences Juridiques et Politiques, no. 41, 2019.
  • Mohammed Amine Jbilou, « La protection du consommateur à travers la transparence des pratiques commerciales selon la loi 31-08 »,

2016 مجلة منازعات الأعمال, العدد 16 شتنبر

  • Halmaoui Loubna, Maissae Boussaouf, « Les différentes menaces à la libre concurrence » , Revue de droit civil , économique et comparé RDCEC ISSN : 2658-946X Vol 1 no 1, 2020
  • ABDERRAHIM BENDRAOUI, “La protection du consommateur au Maroc”, Publication de la revue Marocaine d’administration locale et de développement”, Collection Manuels et Travaux Universitaires, Première édition, 2002
  • Karim Rochdi, “La régulation pénale des infractions économiques : entre sanction et prévention,” Revue Marocaine des Sciences Juridiques et Politiques, no. 41, 2019
  • MOHAMMED OUZEROUAL « L’obligation d’information en matière de protection du consommateur », revue marocain, La défense N°6-2001
  • Younes Tantaoui « Commerce ambulant : forte hausse des pénalités sur les marchandises saisies » disponible sur le site Web : https://www.lavieeco.com/affaires/commerce-ambulant-forte-hausse-des-penalites-sur-les-marchandises-saisies-29434/?utm_source=chatgpt.com

Webographie

  1. Bouloc, B. Droit pénal général, Dalloz 27e éd., 2021, p. 503-525

  2. Fatima Zahra Oumzil, “La protection du consommateur dans le droit marocain à la lumière de la loi 31-08,” Revue Marocaine de Droit et d’Économie du Développement, no. 78, 2020, 91–103.

  3. ABDERRAHIM BENDRAOUI, “La protection du consommateur au Maroc”, Publication de la revue Marocaine d’administration locale et de développement”, Collection Manuels et Travaux Universitaires, Première édition, 2002, p. 11.

  4. Jérôme Julien, « Droit de la consommation et du surendettement », L’extenso Edition, 2009, n° 14, p. 30.

  5. Karim Rochdi, “La régulation pénale des infractions économiques : entre sanction et prévention,” Revue Marocaine des Sciences Juridiques et Politiques, no. 41, 2019: 88–101.

  6. Mohammed Amine Jbilou, « La protection du consommateur à travers la transparence des pratiques commerciales selon la loi 31-08 », مجلة منازعات الأعمال, العدد 16شتنبر 201, p. 87.

  7. Halmaoui Loubna, Maissae Boussaouf, « Les différentes menaces à la libre concurrence » , Revue de droit civil, économique et comparé RDCEC ISSN : 2658-946X Vol 1 no 1 2020, p. 53.

  8. Loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, Bulletin Officiel n° 5956, 30 Juin 2011.

  9. Loi n° 13-83 relative à la répression des fraudes sur les marchandises, promulguée par le Dahir n° 1-83-108 du 05 Octobre 1984.

  10. Loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle, promulguée par le Dahir n° 1-04-257 du 07 Janvier 2005.

  11. 4. Voir Cadiet, Laurent, et Eric Jeuland, Droit pénal économique et financier (Paris: Presses Universitaires de France, 2019), p. 88-90.

  12. MOHAMMED OUZEROUAL « L’obligation d’information en matière de protection du consommateur », revue marocain, La défense N°6-2001, p. 16.

  13. Loi n° 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Promulguée par le Dahir n° 1-14-116 du 30 juin 2014.

  14. Faull, Jonathan, and Nik Pay. EU Competition Law. 3rd ed. Oxford: Oxford University Press, 2014.

  15. Vogel, Louis. Droit de la concurrence: droit français. 3ᵉ éd. Bruxelles, Bruylant, 2020, p. 950.

  16. Conseil de la Concurrence. Site officiel. https://conseil-concurrence.ma/ar/ consulté le 03/05/2025.

  17. Cour d’appel de commerce de Casablanca, Arrêt n° 2022/8211/1142 du 19 juillet 2022. Consulté sur Jurisprudence Maroc :

    https://www.jurisprudence.ma/decision/cac-casa-contrefacon-19-07-2022-2022-8211-1142

  18. Cour d’appel de commerce de Casablanca, Arrêt n° 1221/2005/17 du 17 octobre 2006. Consulté sur Juricaf :

    https://juricaf.org/arret/MAROC-COURDAPPELDECOMMERCE-20061017-1221200517

  19. Cour de cassation du Maroc, Arrêt sur l’obligation de vigilance du commerçant professionnel en cas de contrefaçon, 2023. Consulté sur Jurisprudence Maroc :

    https://www.jurisprudence.ma/decision/contrefacon-de-marque-lobligation-de-vigilance-du-commercant-professionnel-cass-com-2023 consulté le 29.05.2025 à 20 :45

  20. Loi n° 24-09 relative à la sécurité des produits et des services, Maroc, publiée au Bulletin Officiel, n° 5801, 2010.

  21. Loi n° 11-03 sur la protection de l’environnement, Maroc, publiée au Bulletin Officiel, n° 5147, 2003.

  22. Loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets, Maroc, publiée au Bulletin Officiel, n° 4745, 2006.

  23. Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, signée le 22 mai 2001, ratifiée par le Maroc le 6 septembre 2004. Accessible sur le site de la Convention de Stockholm, www.pops.int consulté le 06.05.2025 à 15 :00.

  24. Convention de Rotterdam relative à la procédure de consentement préalable en connaissance de cause pour certains produits chimiques et pesticides dangereux dans le commerce international, signée le 10 septembre 1998, ratifiée par le Maroc le 29 mars 2006. Accessible sur le site de la Convention de Rotterdam, www.pic.int consulté le 07.05.2025 à 19 :00.

  25. Loi n° 13-21 relative aux stupéfiants et à leur trafic, Maroc, publiée au Bulletin Officiel, n° 6359, 2021.

  26. Conformément aux dispositions des articles 351 à 359 du Code pénal marocain.

  27. Par exemple, un vendeur ambulant sans permis peut être sujet à une amende ou à la saisie de ses marchandises. La vente de produits alimentaires sans respecter les normes d’hygiène est également une infraction grave.

  28. Younes Tantaoui « Commerce ambulant : forte hausse des pénalités sur les marchandises saisies » disponible sur le site Web : https://www.lavieeco.com/affaires/commerce-ambulant-forte-hausse-des-penalites-sur-les-marchandises-saisies-29434/?utm_source=chatgpt.com consulté le 11/05/2025 à 15 :22

  29. Articles 286 du code pénal marocain ; Articles 289, 290 et 296 du code de la route marocain.

  30. Article 542 du code pénal marocain.

  31. Article 536 du code pénal marocain.

  32. Article 580 du code pénal marocain.

  33. Article 15 de la loi 31-08 relative à la protection des consommateurs.

  34. Article 115 du code de commerce marocain

  35. Article 9 de la loi 104-12, Article 536 du code pénal marocain.

  36. Article 183 de la loi 31-08 sur la protection du consommateur (concernant notamment les ventes pyramidales)

  37. Article 225, 226, 227 de la loi 17-97 sur la propriété industrielle ; Article 346 du code pénal marocain.

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