Réflexion sur la surveillance du Marché face à la pandémie du Coronavirus (Covide19) à la lumière de la loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence
Réflexion sur la surveillance du Marché face à la pandémie du Coronavirus (Covide19) à la lumière de la loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence
Juriste d’affaires
Doctorant en droit des affaires
Aujourd’hui le monde est obnubilé, ébranlé et frappé par une crise sanitaire extraordinaire. Un fléau aux conséquences fâcheuses, aussi diverses que diversifiées qui impacte inéluctablement le droit du marché au grand dam des consommateurs et incite certains professionnels a profité et user de cette situation de panique en utilisant certaines pratiques commerciales déloyales, par l’utilisation de moyens et d’outils contraire aux pratique du commerce et de la bonne foi.
A cet effet, et après adoption au Maroc du décret n° 2.20.293 portant annonce de l’état d’urgence sanitaire sur l’ensemble du territoire national pour faire face à la propagation du coronavirus (Covid-19), qui a été publié au Bulletin Officiel dans son édition du 24 mars 2020, une ruée vers les grandes surfaces et les commerces de proximité a été observé par crainte de fermeture des supermarchés, du commerce et épuisement du stock, ce qui a occasionné un approvisionnement en masse. D’où une augmentation des prix, notamment des produits alimentaires. Ainsi, nous avons remarqué une hausse des prix de certaines denrées de première nécessités parmi lesquelles des produits pharmaceutiques comme les gels hydro alcooliques, les gants, les masques de protection.
La liberté du commerce suppose la liberté de la concurrence, c’est-à-dire la libre compétition entre les agents économique, qui offrent des produit ou services identique, ou similaires, susceptibles de satisfaire une même clientèle. La liberté totale de la concurrence est susceptible d’engendrer la création de monopoles, lorsque l’un des compétiteurs aura éliminé tous les autres sur le marché considéré, ce qui aboutit à une situation dans laquelle toute concurrence a disparu.
Au Maroc, la liberté du commerce est un principe constitutionnel énoncé par l’article 15 de la constitution de 1996 et confirmé par l’article 35 de la constitution de 2011 qui garantit le droit de propriété et la liberté d’entreprendre tout en respectant certaines règles et des formalités particulières à chaque commerce.
La concurrence et donc légitime mais peut dans certaines mesure devenir un acte déloyale par l’utilisation de moyens et d’outils contraire aux pratique du commerce et de la bonne foi. C’est pour cette raison que les autorités publiques sont astreintes à organiser la liberté de la concurrence pour la protection de l’intérêt public en maintenant les règles de marché mais aussi de commerçants entre eux.
Dans ce sens, le principal instrument juridique introduisant les règles de la concurrence au Maroc est le Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence qui a modifié les dispositions de la loi n° 06-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence et la loi 20-13 relative au conseil de la concurrence.
La loi 104-12 a pour objet de définir les dispositions régissant la liberté des prix et d’organiser la libre concurrence. Elle définit les règles de protection de la concurrence afin de stimuler l’efficience économique et d’améliorer le bien-être des consommateurs. Elle vise également à assurer la transparence et la loyauté dans les relations commerciale, et veiller par le biais de différentes interdictions et différentes règles au bon fonctionnement et à la régulation du marché et la protection de ses actes.
Or, la question qui se pose est de savoir, quelles sont les interdictions et les règles prévues par la loi 104-12 assurant le bon fonctionnement et la régulation du marché surtout face à l’augmentation de prix des produits et certaines pratiques commerciales déloyales comme le stockage clandestin qui est une pratique commerciale illicite causées par la pandémie coronavirus (Covide 19) ?
Quelles sont les interdictions et obligations mises à la charge des professionnels par la nouvelle loi 104-12 pour l’interdiction de certaines pratiques restrictives de la concurrence ? Quels sont les organes compétents pour procéder aux contrôles des pratiques anticoncurrentielles ? Et quelles sont les sanctions prévues pour chacune d’elles ?
- Les règles assurant le bon fonctionnement du marché
- L’interdiction des pratiques anti-concurrentielles
- L’entente
L’article 6 de la loi 104-12 interdit les ententes «lorsqu’elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché…».[1]
Sans établir une nomenclature exhaustive des actions restrictives de la concurrence, l’article 6 se contente d’en énumérer une liste indicative. Ledit article énonce qu’il s’agit de celles qui tendent :
– à limiter l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ;
– à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ;
– à limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès techniques ;
– à répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement.
- L’abus de domination économique
L’article 7 de la loi 104-12 interdit l’abus de domination économique sous ces deux formes, l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché d’une part, et d’autre part, l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique dans laquelle se trouve un client ou un fournisseur ne disposant d’aucune autre alternative équivalente.[2]
L’abus de domination peut notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, imposer directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien etc…
- Prix abusivement bas :
L’article 8 de la loi 104-12 prohibe «les offres de prix abusivement bas par rapport aux couts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d’éliminer un marché, ou d’empêcher d’accéder à un marché, une entreprise ou l’un de ses produits.».[3]
Cette nouvelle loi, quant à elle, traite les prix abusivement bas comme pratique anticoncurrentielle à part entière. Elle se trouve de ce fait interdite sans qu’il soit nécessaire de prouver la position dominante de son auteur.
- Les opérations de concentration économiques :
L’article 11 de la loi 104-12 stipule que : « Une opération de concentration est réalisée [4]:
- lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ;
- lorsqu’une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins, acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou de parties de plusieurs autres entreprises ;
- lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou de parties de plusieurs autres entreprises.
L’article 12 de la loi 104-12 conditionne les opérations de concentration par un contrôle préventif qui consiste à soumettre les projets de concentration à un accord préalable de l’autorité de la concurrence après avis du conseil de la concurrence sous peine des sanctions pécuniaires dont le montant peut s’élever à 5% du chiffre d’affaire réalisé au Maroc lors du dernier exercice clos sous l’astreinte.[5]
- Les pratiques restrictives de la concurrence
- La transparence dans les relations commerciales entre professionnels
L’article 58 de la loi 104-12 met à la charge du vendeur une obligation la délivrance d’une facture comportant les renseignements nécessaires relatifs à son identité et son activité dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service.[6]
- Stockage clandestin
Le stockage est réglementé par l’article 62 de la loi 104-12, cet article cite des situations dans lesquelles le stockage devient illicite, il s’agit notamment :[7]
- De la détention par des commerçants, industriels et artisans ou agriculteurs de stocke de marchandise ou de produits qui sont dissimulés par eux à des fins spéculatives et en quelque local que ce soit ;
- La détention ou la vente d’un stock de marchandise ou de produit quelconque par des personnes non inscrit au registre de commerce ou n’ayant la qualité d’artisan ou qui ne peuvent se justifier la qualité de producteur ;
- La détention, en vue de la vente, par des personnes inscrites au registre de commerce ou ayant la qualité d’artisan d’un stock de marchandise ou de produit étrangers a l’objet de leur industrie ou commerce ou activité tel que cet objet résulte de leur patente ou de leur inscription dans la liste électorale des chambres d’artisanats ;
- La détention, en vue de la vente, par des producteurs agricoles d’un stock de marchandise ou de produits étrangers à leur exploitation.
II- Les autorités de la régulation du marché et les sanctions applicables
- Les autorités de la régulation du marché
- Le conseil de la concurrence
Le Conseil est désormais doté d’un pouvoir décisionnel et de contrôle défini dans la loi 104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Il dispose notamment du pouvoir d’infliger des sanctions pécuniaires sous astreinte. Il s’agit en effet d’une pénalité destinée à contraindre les entreprises et les organismes au respect des injonctions du Conseil et, à défaut, les sanctionner en cas de refus d’exécution. Le pouvoir d’injonction du Conseil ne serait rien sans contrainte.
- Les juridictions
Les tribunaux du Royaume sont compétents pour juger les infractions à la loi n°104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Les juridictions sont compétentes pour saisir le Conseil de la Concurrence pour les pratiques anticoncurrentielles dont elles sont saisies.
De même qu’elles doivent communiquer au Conseil de la Concurrence, sur sa demande, copie des procès-verbaux, des rapports d’enquête ou de tout document ayant un lien direct avec les faits dont le Conseil de la concurrence est saisi.
- Les enquêteurs de la concurrence
D’après la loi 104-12 : « Les rapporteurs et les enquêteurs du conseil de la concurrence, les fonctionnaires de l’administration habilités spécialement à cet effet et les agents du corps des contrôleurs des prix, appelés tous « enquêteurs » dans la suite de la présente loi, peuvent procéder aux enquêtes nécessaires». [8]
La loi n° 20-13 dispose que : « le conseil dispose de services d’instruction et d’enquête dirigés par un rapporteur général assisté de rapporteurs généraux adjoints. Ces services procèdent aux enquêtes et investigations nécessaires à l’application des dispositions de la loi sur la liberté des prix et de la concurrence concernant les pratiques anticoncurrentielles.[9]
- Les associations de protection du consommateur
Les associations de protection du consommateur peuvent selon la nouvelle loi se constituer partie civile ou obtenir réparation sur la base d’une action civile indépendante du préjudice subi par les consommateurs.
B- Les Sanctions applicables par la nouvelle loi 104-12
- Les sanctions des pratiques anticoncurrentielles visées par l’article 6 et 7 de la loi 104-12
Pour ce qui est des pratiques anticoncurrentielles visés par l’article 6 et 7 de la loi 104-12 : seront punies d’un emprisonnement de deux mois à un an, et d’une amende de dix mille à cinq mille dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement, toutes personnes physiques, qui frauduleusement ou en connaissance de cause, auront pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation, la mise en œuvre ou le contrôle de pratiques visées par l’article 6 et 7.
- La sanction d’opposition au déroulement des enquêtes
En ce qui concerne le déroulement des enquêtes : « sera puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de cinq mille à deux cent mille dirhams ou de l’une de ces peines seulement, toute personnes qui aura :
– Fait opposition à l’exercice des fonctions des enquêteurs ;
– Refuse de communiquer aux enquêteurs des documents afférents à l’exercice de leurs activités ainsi que la dissimulation et la falsification de ces documents.
- Sanction de faux renseignement ou fait des fausses déclarations aux organismes compétents
Sont aussi punies par le même article toute personne qui donne sciemment de faux renseignement ou fait des fausses déclarations aux organismes compétents.
Bibliographie :
Base légale :
- Le Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n°104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence ;
- Le Dahir n°1-14-117 du 2 ramadans 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 20-13 relative au conseil de la concurrence.
[1] V. article 6 du Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n°104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
[2] V. article 7 du Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
[3] V. article 8 du Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
[4] V. article 11 du Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
[5] V. article 12 du Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
[6] V. article 58 du Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
[7] V. article 62 du Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
[8] V. le Dahir n°1-14-116 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 104-12 sur la liberté des prix et de la concurrence.
[9] V. le Dahir n°1-14-117 du 2 ramadan 1435 (30juin 2014) portant promulgation de la loi n° 20-13 relative au conseil de la concurrence.